The scar - chapitre 6

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CHAPITRE 6

Septième jour.

Je me réveille avec une odeur de café et de pancakes. La lumière du jour filtre entre les rideaux, encore un peu endormie elle aussi. Je m'étire et regrette aussi sec de m'être endormi sur le canapé. Un mal de dos me fait grogner. Je me sens tout coincé. Ou écartelé, je ne sais pas trop.

— J'espère que ce n'est pas moi qui t'ai réveillé.

— Non, non. Ne t'en fais pas. Quelle heure il est ?

— Presque neuf heures. J'ai préparé le petit-déjeuner.

— Merci...

Je me garde de lui dire qu'un café aurait suffi. Ça a toujours l'air de lui faire plaisir de me chouchouter quand je lui rends visite.

— Tu aurais dû le déplier, dit-elle en posant un mug de café chaud sur la table basse et une assiette de pancakes. Veux-tu du sirop d'érable avec ? Ou des myrtilles ?

— Nature, ça me va très bien.

L'envie de fumer me taraude déjà mais je me fais violence et prends le mug fumant. Ma mère prend place près de moi.

— Quand repars-tu ?

— Fin de journée. Un ange passe. On pourrait déjeuner ensemble en ville ce midi ? Je t'invite.

Elle se tourne vers moi en souriant, mais la brillance de ses yeux trahit des larmes refoulées.

— Oui, ce serait chouette.

— Je suis désolé, maman. Je reviendrais vite, tu...

Elle chasse une mouche invisible de la main.

— Ne t'inquiète pas. Fais ce que tu as à faire. Moi, je ne bouge pas.

C'est bien ça qui m'inquiète. Elle ne bouge pas, elle reste là à attendre. Attendre un miracle, attendre le mot de la fin. Au lieu de continuer sa vie, comme son ex-mari. Je soupire. Il faut que je la libère de cette maudite ville. Je donne un coup de croc rageur dans le pancake. Je dois trouver ce fils de pute tueur de gamines ! Ma mère pose un baiser sur ma joue et se lève.

— Je dois faire quelques courses pour la voisine, on se retrouve à midi ? Je suppose que tu... On se regarde et je hoche la tête. Bien, on fait comme ça alors.

Elle se dirige vers sa chambre et me laisse terminer son petit-déj seul. Tous les ans, à la date fatidique, je me rends dans le champ où ma sœur a été enlevée, là où on m'a retrouvé défiguré vingt ans plus tôt. C'est un rituel auquel je ne parviens pas à renoncer, aussi douloureux soit-il.

Quand j'ai englouti mon café et deux pancakes, je ramène le reste dans la cuisine. J'échange quelques banalités avec ma mère avant d'aller prendre une douche. Comme tous les ans, je revêts un jean noir et une chemise de la même couleur. Aller là-bas, c'était un peu comme se rendre sur une tombe...

Lorsque je sors de la salle de bains, ma mère est déjà partie. Je prends mon téléphone portable, mes clés et sors à mon tour. Je passe chez le fleuriste à l'angle de la rue, un bouquet m'attend comme toujours. La vendeuse, une amie de ma mère, me lance un regard triste. Je déteste ça mais j'évite d'avoir l'air désagréable.

— Oh, Jeremiah... Chaque année, j'espère que tu ne viendras plus.

J'hausse une épaule avec un air penaud.

— Bonjour Madame Carter.

Elle soupire.

— Bonjour mon grand. Comment vas-tu ?

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