Chapitre 4 - Tir à la corde

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Chaknie -

J'ai tourné de l'œil l'espace de quelques minutes après la manœuvre de Rexes. J'ai trop forcé sur le tube et les vapeurs m'ont envoyée au tapis. Quand j'ai rouvert les mirettes, j'avais la mâchoire en compote et j'ai lu dans l'expression d'Amanaka que la suite allait être compliquée.

La Planète que nous avons soufflée dépassait en volume toutes les autres mais demeurait bien inférieure à celle du roi Akuyandi. Si seulement les choses s'étaient arrêtées là, alors l'orgueil d'Amanaka pouvait bien le turlupiner autant que possible, nous aurions validé l'épreuve. Le problème, c'est que la sphère était tout sauf ronde et que cette horreur nous a coûté les mains du Squille. Et des mains, nous allions en avoir besoin.

Techniquement, nous avons échoué dans l'essence même du rite sous les yeux du clan, nous, la meilleure génération de rang Maelstrom depuis des décennies. Et même si nous avions réussi, le pire restait à venir. La troisième épreuve : le tir à la corde. Et je ne parle même pas de la quatrième qui fait passer les trois précédentes pour des jeux d'enfants en bord de plage... Ça doit faire une bonne heure que l'épreuve est terminée. Akuyandi, Djakpa et les autres chamans n'ont pas encore statué sur notre cas. Nous sommes retournés sur nos tabourets avec nos jolis tatouages en nouvelle lune tout scintillants pour se faire potentiellement éliminer. Arkansza à compris l'ironie de la situation bien avant moi. Elle plante, retire et replante des aiguilles dans les centres névralgiques de Rexes pour tenter de contenir la douleur mais surtout pour s'extraire de cet abominable malaise. La foule nous envoie un silence de plomb dans l'attente du verdict des Chamans. Emettre le moindre bruit maintenant serait passible de haut sacrilège. La douleur tord silencieusement le visage de Rexes. La chair de ses mains est probablement en train de continuer à cuire et les coulures de verre fondu sont en train de sécher par-dessus. Par la suite, elles se briseront en plusieurs milliers de fragments minuscules qui investiront les tissus, veines et muscles comme la rosée du matin qui pénètre dans les dunes du rivage. Sa guérison sera un supplice. Slik est voûté dans ce que je devine être de la culpabilité et de la honte, sa tête enfouie entre ses paumes, conscient que, de par sa nature chétive, il a contribué à l'échec de l'épreuve. Si l'anguille est persuadée qu'il est l'unique responsable, je suis certaine qu'il n'y est pour rien - et je déteste l'admettre – car même à dix nous n'aurions pu équilibrer le souffle d'Amanaka.
Le véritable fautif est notre leader qui, aveuglé par cette histoire de rivalité paternelle, n'a plus pensé qu'à sa pomme, oubliant l'équilibre des capacités du reste de l'équipe et je pense qu'il réalise actuellement l'ampleur de sa faute.

Les grandes portes de pierre s'ouvrent lentement en crissant sur le sable, mais à ma grande déception, il ne s'agit ni du roi ni du Haut Chaman. C'est l'oncle d'Arkansza, Gakpé, qui fait son apparition. Il arbore sa chaleur habituelle à travers un demi-sourire et s'avance lentement vers ce qui reste de notre groupe. Gakpé a l'allure de celui qui sait où il va et ce qu'il fait et même si son expression reste indéchiffrable, elle a au moins le mérite de me rassurer. La décision n'est toujours pas tranchée et Gakpé est là pour une toute autre raison. Il nous adresse un bref salut, pose une main sur l'épaule de Slik et se penche au-dessus de Rexes pour examiner son état.

- C'est vilain cette blessure. Petite Ark, permets-moi de prendre le relais.

Arkansza s'écarte naturellement, sans un mot. Sa confiance en son mentor n'est pas infondée car Gakpé est le meilleur Chaman guérisseur présent au village. Si Ark est incroyable dans son art, elle reste une enfant précoce qui apprend plus vite que tout le monde mais manque d'expérience malgré tout. Gakpé pose doucement sa main sur Rexes en lui soufflant des mots que je ne parviens pas à saisir et le Squille plonge dans le sommeil en quelques secondes.

- Il va falloir arrêter la brûlure.

- Comment fait-on mon oncle ?

A la manière dont je l'ai endormi. Il va falloir que je te dévoile une branche des arcanes chamaniques dont je t'ai tenue à l'écart jusqu'ici, ma chère Ark. Il semble qu'aujourd'hui soit le jour idéal pour l'enseignement du coupage de feu...

[FR] Prélude | Noara : La Dernière LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant