Chapitre 7 - Le Chant des Morts

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Arkansza -

Les deux jours précédents, nous les avons passés à dormir et manger jusqu'à l'écœurement ces petits volants pourtant délicieux lors des premières bouchées. Nous avons été obligés de lever le pied sur la cadence car la digestion et la fatigue accumulées plombaient l'allure générale. Aujourd'hui, après une demie journée de descente le long du flan nord, nous voilà enfin dans la forêt Carminée. Le feuillage écarlate de cette jungle nous intime qu'on n'a sûrement pas fini d'en baver. Des cris de bêtes qui prennent la fuite au détour d'un fourré, une horde d'oiseaux qui froisse le silence en prenant son envol, des champignons géants capables de donner la rage à qui en respire les spores, des plantes carnivores à la sève corrosive, des colonies de fourmis rouges qui ravagent tout sur leur passage, des sangsues par légions qui nous chiquent les chevilles, des armées de moustiques, des serpents multicolores et des batraciens toxiques qui constellent les ramures des grands arbres à lianes... cet éventail de merveilles dangereuses sonne comme une bénédiction car même si elles sont terrestres, elles n'en demeurent pas moins des créations vivantes de la nature tout comme nous. Et la vie, c'est toujours mieux que la pierre.

La chaleur écrasante est revenue. Tellement confortable en comparaison des nuits passées là-haut à geler, entassés devant un feu malade. La fraîcheur du renouveau va vite s'estomper mais pour l'instant, tâchons d'en profiter.

Au loin, le soleil finit enfin par dégrader les ténèbres lorsque nous terminons la dernière fricassée d'oiseaux. L'astre orange sublime le grenat des feuillages et la forêt Carminée saigne littéralement des halos dorés. Nous allons poser le camp et dormir au chaud pour la première fois depuis une semaine. Alors que je me sens aspirée par un sommeil sans rêves au moment où je m'allonge sur le tapis de feuilles grasses, j'entends Amanaka prendre son tour de garde. Il ne dormira pas. Ça tombe à pic car j'ai l'étrange sensation qu'on nous observe.

Nous avons probablement dormi quelques heures. Quatre ou cinq maximum. Le soleil est déjà au sommet lorsque j'ouvre les yeux. Il fait une chaleur à crever dans cette fournaise vivante. J'essuie la transpiration qui perle sur mon front et m'étire. Chaknie et Slik nous ont ramenés des baies, racines et fruits en tout genre, que je vais devoir sélectionner pour le groupe, étant la seule à posséder les connaissances suffisantes en botanique. Du thé est en train de bouillir sur le feu. Je m'en sers un bol. La proportion de plantes comestibles semble ridicule une fois que j'ai réalisé mon tri, tout en prenant soin de bien conserver les merveilles les plus toxiques pour mes concoctions. Nous décidons de jeter les étourneaux qui nous restent, conscients que la pourriture attire le prédateur. Enfin, nous couvrons le feu de terre avec précaution une fois tous les préparatifs terminés et nous prenons quelques minutes pour nous réorienter. Amanaka dessine une carte des environs dans la terre à l'aide d'une branche :

- Voici la porte nord que nous avons empruntée il y a déjà plus d'une semaine. Nous avons ensuite suivi cette direction.

Il trace une bande et reprend :

- Et voici le labyrinthe, puis les falaises qui longent la mer. Ce coude plus haut, c'est l'endroit où nous avons combattu les Fyfkys. Et enfin, la région de pierres grises où nous avons eu les étourneaux. Nous sommes juste ici, dans le début de la forêt Carminée et nous nous rendons dans cette zone.

Il désigne un cercle situé en bordure de frontière Adalar.

- Nous irons dans ce territoire neutre, bordé par les terres Adalar, celles des Ansom et les nôtres.

- Il s'agit de la Croisée !

- Exactement. Et nous ne serons plus chez nous alors, prudence !

[FR] Prélude | Noara : La Dernière LuneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant