Chapitre 14

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Osferth n'avait été jamais très doué pour répondre aux questions, ce qui était bien dommage car il s'en posait beaucoup. En règle générale, une question amenait à une autre question, puis à une autre, puis à une autre, et à la fin il se retrouvait emmêlé dans un réseau de questions qui lui faisait penser aux racines de la forêt de Pando. Un enchevêtrement de milliers de petits chemins, tous reliés ensemble, qui étouffent et qui enserrent et qui aveuglent. Il n'avait jamais réussi à sortir de cette habitude à creuser sa propre tombe dans les racines de ses questions.

Deux jours après sa discussion dans le bureau d'Alfred, il n'avait pas lu le dossier compilé par Uhtred, ni abordé le sujet avec Bjolan. Il y avait tellement de questions qui se bousculaient dans sa tête que plus aucune n'avait de sens. Qui croire, entre Alfred et Bjolan ? Qui croire, entre son père et son petit-ami ? Qui croire, entre l'homme qui l'avait abandonné par honte et l'homme qui l'avait respecté dès qu'ils s'étaient rencontrés ? Qui croire, entre deux hommes qu'il ne connaissait pas autant qu'il le voudrait ?

Au lieu de réfléchir à tout ceci, Osferth avait préféré détourner son attention dans le travail. Il avait – enfin – prit l'habitude d'utiliser le clavier malgré son bras dans le plâtre, et il n'était plus aussi lent qu'il l'avait été lorsqu'il était sorti de l'hôpital. Il alternait entre ses missions habituelles et ses fouilles sur Thyra Ragnarsdottir, malgré la remontrance voilée d'Alfred à ce sujet. En réalité, Osferth n'était pas sûr que le grand patron lui ait réellement reproché d'enquêter sur Thyra ; plutôt que la demande venait de Bjolan, et que Bjolan était visiblement le suspect numéro un dans leur cas de tentative de piratage. De plus, Uhtred avait été on ne peut plus clair quant au fait qu'ils n'allaient pas abandonner les recherches. L'homme lui avait semblé... Particulièrement émotif, et Osferth ne pouvait que se demander quelle était la raison. Alfred n'avait-il pas mentionné quelque chose à ce sujet... ?

Trop de questions, trop de questions, trop de questions. Il devait les canaliser sur ce qu'il avait en face des yeux. Thyra apparaissait, au début, comme une jeune femme tout à fait normale : parents, école, amis, études, travail, même des traces de son petit-ami sur un compte privé auquel ni Ragnar ni Bjolan n'étaient abonnés – mais Bjolan avait mentionné qu'elle leur avait caché ce Beocca parce qu'il avait le double de son âge. Et puis Osferth pouvait comprendre le besoin d'intimité. Thyra n'avait posté que des petites choses quotidiennes sur ce compte-là, et majoritairement elle et son compagnon. Beocca était peut-être vieux et pas très attrayant, mais les photos rayonnaient d'amour et de douceur. Elle avait l'air d'être une très gentille femme, et ça ne faisait que renforcer l'envie d'Osferth de la retrouver.

Bien sûr, il n'y avait pas besoin de creuser profondément pour trouver des relents de pourriture. Ceux-ci prenaient la forme de plusieurs dossiers médicaux, pour blessures physiques et pour internement temporaire dans un hôpital psychiatrique. Thyra n'avait jamais été dangereuse pour les autres, uniquement pour elle-même. Osferth n'appréciait pas de fouiller ainsi dans les zones d'ombres de quelqu'un qui avait visiblement fait beaucoup d'efforts pour se sortir de ses problèmes, mais il avait besoin d'être au courant de tout s'il voulait comprendre ce qui s'était passé. Une tentative de suicide, un lourd traitement contre la dépression qui n'avait fait que réduire au fil des années, jusqu'à se stabiliser environ deux ans avant sa disparition. Il était possible que sa prescription ait eu besoin d'ajustements et que cela l'avait mené à perdre une partie du contrôle qu'elle avait gagné grâce à ça, la poussant à un quelconque acte désespéré. Cependant, au vu de son historique médical, il était clair qu'elle-même, ou sa famille, avait été très à cheval sur son bien-être. Il y avait eu plusieurs changements de médicaments et de doses avant de trouver un équilibre.

En parlant de sa famille, Thyra et Ragnar étaient orphelins. Leur mère Sigrid était morte d'un cancer, leur père Ragnar alors qu'il était en poste à l'étranger. Ragnar l'aîné et le père de Bjolan, Ivar, avaient tous les deux été militaires : Osferth n'avait pas besoin de lire le dossier pour comprendre que c'était comme ça que Bjolan s'était rapproché de Thyra et Ragnar quand ils étaient enfants. Ragnar le jeune semblait avoir fait beaucoup d'efforts pour être présent pour sa soeur au fil de leurs épreuves.

Et demain l'automne (Fanfiction The Last Kingdom)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant