Chapitre 7

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Fin janvier. Le travail recommençait à s'accumuler, et Bjolan avait tellement peur de revivre le crunch de septembre qu'il travaillait d'arrache-pieds. Ragnar le félicitait souvent, fortement et devant ses collègues, pour son efficacité et la qualité de son travail. Même s'il savait que Ragnar faisait ça à moitié pour motiver les troupes et à moitié pour se moquer de lui, Bjolan avait conscience qu'une majorité des autres employés ne l'appréciait guère. Il avait entendu de tout, et souvent contradictoire : qu'il ne travaillait ici que parce qu'il était ami avec le patron mais qu'il n'avait aucun diplôme, qu'il en faisait plus que les autres pour se faire mousser, qu'il travaillait ainsi parce qu'il n'avait pas de vie sociale ...

Entre toutes ces hypothèses, c'était la seconde qui s'approchait le plus de la vérité. Bjolan aimait être meilleur que tout le monde. Il aimait qu'on reconnaisse qu'il faisait du bon boulot. Il aimait quand il n'avait rien à se reprocher.

Il avait même fait ça avec Ragnar, pour être honnête. Le blond était plus âgé, plus grand – à une époque, ils faisaient à peu près la même taille maintenant – plus musclé et plus séduisant, alors Bjolan avait travaillé à être plus intelligent que lui. Ragnar était loin d'être un idiot, mais là où il ne s'était jamais beaucoup intéressé aux études, Bjolan avait fourni beaucoup d'efforts pour être excellent à l'école. Il avait aimé quand Ragnar l'aîné le félicitait pour ses notes et disait à Ragnar le jeune de prendre exemple.

Ensuite, en grandissant, on lui avait fait des remarques sur son manque d'intérêt pour les filles. Comme il avait vite comprit qu'il préférait les garçons, il avait commencé à s'afficher en couple. Ça ne durait jamais, bien sûr. Au lieu de se lamenter sur cette petite réputation de lycée, il l'avait retournée et avait apprit à être le meilleur coup de ses compagnons. Ils n'auraient pas une longue relation, mais ils s'en souviendraient.

Cette mentalité avait continué à la fac, alors qu'il faisait une licence d'arabe pour parfaire sa maîtrise – avoir apprit des langues étrangères dans son temps libre avait également fait partie de ce besoin de supplanter les autres. Et ça continuait aussi sur son lieu de travail.

Bjolan était parfaitement conscient de cet énorme défaut car c'était lui qui l'avait nourrit, volontairement. C'était ce qui lui permettait de ne pas faire cas des bruits de couloir qui le traitaient de fayot comme s'ils se trouvaient encore au collège, ou qui insinuaient qu'il taillait des pipes à Ragnar pour expliquer son efficacité.

Le blond se moquait souvent de lui pour ça. Ils en avaient parlé, quelques fois. Après tout, Ragnar connaissait la situation familiale de Bjolan, et ce que cela lui avait valu comme remarques lorsqu'il était enfant. Au bout d'un moment, il avait décidé de prendre ça à la rigolade, d'où les louanges publiques. De toute façon, Ragnar avait beau se moquer, Bjolan savait qu'il était irréprochable sur son travail.

D'ailleurs, Bjolan avait décidé de faire quelques heures supplémentaires ; il misait sur le fait que cela l'aiderait à ne pas être débordé dans le futur. Un pari risqué, mais il n'avait pas grand-chose d'autre à faire ce soir. Il n'avait rien à perdre à part du temps. Son prochain rendez-vous avec Osferth serait ce week-end. Normalement. Même si le rouquin se demandait encore quel genre de métier pouvait exercer le jeune homme, surtout un qui ne lui garantissait pas un Noël et qui semblait lui demander des heures imprécises, il ne lui avait toujours pas posé de questions. En réalité, il avait même remarqué qu'Osferth restait vague dans ce qu'il lui racontait sur son emploi. Bjolan ne savait pas le nom de ses collègues, ni de son chef qu'il avait rencontré en boîte. Tout ce qu'il avait glané, c'était qu'Osferth faisait partie d'une équipe sous la direction d'un type influent.

Outre son habitude de perfectionniste, Bjolan avait un autre credo : il n'a pas envie d'entendre ce que les gens ne veulent pas lui dire. Fut un temps, quand il était encore au lycée, Thyra l'avait forcé à aller voir une psy pour qu'il parle de ses parents et des problèmes qu'ils avaient. Dans les grandes lignes, comme sa mère l'obligeait à lui raconter en détails ce qu'il faisait de ses journées pour être sûre qu'il ne fasse rien de répréhensible, Bjolan était tombé dans l'extrême inverse. Quelque chose comme ça. Il se rappelait d'un gars à la fac qui lui avait reproché de ne pas s'intéresser assez à lui. Ce qui était un peu véridique, certes, mais qui était venu du fait que Bjolan ne voulait pas envahir la vie privée des gens.

Et demain l'automne (Fanfiction The Last Kingdom)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant