Chapitre 18

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La routine avait toujours attiré Bjolan. La routine, c'est agréable. La routine, ça permet de ne plus s'occuper de certains aspects de sa vie et de se concentrer sur les plus importants. Depuis quelques temps, la routine de Bjolan avait éclaté en mille morceaux, et il n'avait fait que les regarder éparpillés au sol en se demandant s'il devait les recoller, ou les jeter au vent pour repartir sur de nouvelles bases. Aujourd'hui encore, il se posait la question ; mais il avait, rapidement, du bout du pied, commencé à écarter certains éclats de son chemin.

Il ne s'expliquait pas trop pourquoi il avait accepté la demande d'Uhtred. Un homme sensé aurait certainement refusé. Il y avait trop de risques à se faire prendre. Pourtant, il avait lu assidûment l'accord de non-divulgation qu'on lui avait envoyé, comme il le faisait dans le cadre de son travail. Tout était particulièrement clair et bien rédigé, et son côté professionnel avait apprécié cet aspect-là du contrat. Cela ne changeait rien au fait que c'était vraiment une idée à la con.

Et pourtant, il était en train de grimper dans la voiture d'Osferth à dix heures du soir, sans téléphone, en direction de l'immense bâtiment qui abritait Welton-Edington et cette étrange personne avec qui Bjolan devait intéragir. Il avait plus l'habitude d'écrire le russe que de le parler, mais il se savait capable de faire un assez bon interprète. Il espérait que ce serait assez bon, en tout cas. Osferth était visiblement dérangé par toute cette affaire ; il fronçait méchamment les sourcils face à la route, ses lèvres n'étaient qu'une fine ligne presque invisible, et il serrait le volant de sa voiture comme si celui-ci était responsable de tous ses malheurs. Il avait à peine prononcé un mot depuis le début du trajet, et Bjolan n'avait pas su quoi dire non plus.

Au lieu de se rendre directement à leur destination, cependant, Osferth effectua un détour qui les laissa sur une petite place à peine éclairée par un lampadaire solitaire. Ils n'étaient pas bien loin du bâtiment ; Bjolan en voyait les lumières à certains étages, au-dessus des formes noires et opaques des toits alentours. Osferth s'était garé en double-file, et fixa les voitures devant lui avec une certaine forme de haine.

"Je peux te ramener chez toi, finit-il par dire entre ses dents.

-J'ai accepté de le faire.

-Et je comprends pas pourquoi."

Bjolan aurait voulu lui donner une explication, mais lui-même n'arrivait pas à démêler cet entrelac vague et noueux qui apparaissait à son esprit lorsqu'il y pensait. Un mélange de curiosité, d'envie d'aider en retour de ce qu'Osferth faisait pour lui et Thyra, et un besoin de résoudre tous ces problèmes autour des piratages et de son nom traîné dans la boue. Il essaya de mettre des mots sur tout ceci, mais cela ne fit rien pour calmer Osferth.

"T'as pas besoin d'en faire autant pour ça. J'aurais cherché Thyra même si elle avait eu aucun lien avec Uhtred. Et c'est pas en te mettant encore plus dans le viseur d'Alfred que tu vas arranger ton problème.

-Je sais. Je sais.

-Je m'inquiète pour toi, d'accord ?"

En temps normal, Osferth aurait légèrement rougi en prononçant ces mots. En cet instant, il était tellement concentré et soucieux que son corps en oublia de se colorer. Ce fut Bjolan qui, plutôt, sentit ses joues chauffer. De honte et, un peu au fond, de joie.

"Uhtred a des idées stupides, comme ça. Il faut pas l'écouter. On peut trouver quelqu'un d'autre pour traduire. Ça nous prendrait plus longtemps, mais tu serais pas impliqué.

-Je suis déjà impliqué.

-Raison de plus pour rester en retrait !"

Osferth lâcha le volant et se défit de la ceinture de sécurité, afin de mieux pouvoir faire face à Bjolan en lui parlant.

Et demain l'automne (Fanfiction The Last Kingdom)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant