Chapitre 11 - Dispute conjugale

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L'empathie est un don rare, qui est généralement transmis de mère en fille. Seules trois familles disposent encore de ce don.

Éreinté du trajet, Kristian laissa les rênes de son cheval à l'un des palefreniers du palais. Ce n'était pas dans ses habitudes, il préférait lui-même s'occuper de sa monture et s'assurer des soins qu'il lui prodiguait, mais cette fois, son état d'épuisement total lui fit lâcher prise.

La chevauchée jusqu'à Lionrest ne représentait pas une difficulté, le chemin du retour non plus, pourtant le stress avait fait battre son cœur comme jamais. Pourvu que je ne sois pas victime d'un malaise moi aussi, songea-t-il. Il n'était resté qu'une poignée d'heures sur place, pour organiser des défenses, au cas où, tout en contenant au mieux l'information : il ne voulait pas d'une vague de panique. Pourtant, au loin, les Ténèbres avaient disparu. Le phénomène était inexplicable, il se souvenait clairement de ce qu'il avait vu, ses yeux n'avaient pas menti, ceux des Longue-Vue non plus. Mais quand il avait observé l'horizon, rien n'était visible. Le danger avait-il filé plus loin vers l'est, en les épargnant ? En proie au doute, il poussa un profond soupir avant de quitter les écuries et d'apercevoir Victoria, qui marchait droit vers lui.

— Ce n'est pas le moment, lança-t-il à sa femme.

— Pas le moment pour quoi ? rétorqua-t-elle. Pour m'avouer enfin ce que tu trames ? Tu n'es pas obligé de m'aimer, mais je suis ta moitié, je suis la mère de tes enfants. Que devais-je répondre aux gens qui me demandaient ce que tu étais allé faire sans moi, hein ? Me mettre dans la confidence des dangers qui pèsent sur nous est la moindre des choses.

— Danger ? Qui t'a parlé d'un danger ?

— Tu crois qu'après toutes ces années je ne sais pas lire ton visage ? Cet idiot d'Emond ne sait pas cacher son inquiétude non plus.

— Il t'a dit quelque chose ?

Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres de Victoria. Les rayons du soleil jouaient sur son visage maquillé et pailleté de doré.

— Il est donc dans le coup lui aussi. C'est au sujet de Katleen et de Liam ? Il a changé d'avis ? J'ai le droit de savoir, Kristian. Elle est ma fille !

Il se sentit aussitôt rasséréné, elle n'était donc pas au courant. Edmond n'aimait pas Victoria de toute façon, il ne lui aurait jamais confié un tel secret, et Kristian savait pertinemment ce qu'il se passerait si l'information parvenait aux oreilles de sa femme. Ou plutôt, il ignorait exactement ce qu'il adviendrait, et c'était ça qui lui faisait peur. Lâcherait-elle l'information à tout le palais sans se soucier de protéger la population d'un vent de panique ? En profiterait-elle pour manigancer dans son dos une alliance avec une autre famille ?

— Il n'a pas changé d'avis, la rassura Kristian.

— Pourquoi es-tu parti de manière aussi précipitée, alors ? Tu m'as laissée dans un environnement hostile, sans protection, sans...

— Nos gardes sont là, je suis parti avec le strict minimum en termes de sécurité, et tu te trouves au palais, Victoria. Qui s'en prendrait à toi ? Ce n'est un environnement hostile que parce que tu es désagréable, autant avec les invités que le personnel.

La langue de sa femme claqua contre son palais, signe qu'elle était énervée. Il s'en voulait déjà d'avoir perdu le contrôle. Sa dette envers Victoria était telle qu'il considérait ne pas avoir le droit de s'en prendre à elle.

— Où sont les enfants ? souffla-t-il pour tenter de détendre l'atmosphère.

— Ils jouent dans les jardins, ils ne font que ça toute la journée. Heureusement, Konrad travaille un peu, on ne peut pas en dire autant de Kio et Katleen. Tu es en train d'élever des bons à rien.

Le trône des magiciens - Préquel - L'éveil des ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant