« On ne discute pas les ordres de la matriarche Sélène. Elle représente l'autorité et le savoir, le présent et le futur. »
Ariana marchait au centre du cortège Sélène qui traversait la ville agitée. Les festivités n'avaient pas encore été lancées, et le roi devait seulement prononcer le discours d'ouverture dans quelques heures, mais Glaynor donnait déjà l'impression de vivre au rythme de la fête des lumières. Où qu'elle pose le regard, Ariana se sentait émerveillée. La fatigue du voyage, et de ses recherches préliminaires s'effaça l'espace de quelques instants alors qu'elle observait les stands de nourriture et de jeux, les spectacles de magie improvisés dans les rues et surtout, cette foule massive qui souriait et riait, comme si tous les problèmes du quotidien s'étaient évaporés.
Puis la Sélène tomba sur Marius, qui n'était pas seul. Le Shade avait revêtu la tenue d'apparat de sa famille : des épaulettes rehaussaient sa veste, des liserés orange couraient le long des lignes extérieures du vêtement, du bord des manches et sur toutes les coutures. Sa femme Tully avait glissé son bras sous le sien et tenait leur fils, Azir, de son autre main. Le garçon aux cheveux ébouriffés levait les yeux vers son père comme s'il était la plus belle merveille du monde.
Au grand soulagement d'Ariana, le cortège put accélérer un peu quand l'espace se libéra devant eux, et elle se força à quitter du regard les Shade pour ne pas attirer l'attention. Que dirait-on si on découvrait sa relation avec Marius ? Quelles seraient les conséquences sur la famille de son amant ? Elle ne le croyait pas capable de quitter sa femme et son fils, et surtout elle ne le voulait pas. Son objectif : oublier à tout jamais ce qu'il s'était produit entre eux deux.
— Pourquoi ne pouvons-nous pas vivre ici ? souffla à son oreille Clara, l'une de ses sœurs.
À plusieurs reprises, le roi avait réclamé que les Sélène s'installent à Glaynor. Il voulait les garder près de lui pour être le premier à connaître la teneur de leurs prémonitions. Leur mère, qu'elle surnommait Ma', avait toujours refusé de quitter la tour du savoir, à Yiel.
— « Notre indépendance est plus importante que les désirs du roi. Notre loyauté va au royaume, pas à celui qui se tient à sa tête. » récita Ariana.
— Notre loyauté va surtout à nous-mêmes. C'est moi, ou Ma' a chang...
Comme si elle était capable d'entendre le moindre murmure à travers le vacarme, leur mère se retourna à cet instant et dévisagea ses filles avec un air interrogateur et soupçonneux. Sourcils froncés, yeux plissés, elle articula silencieusement :
— Un problème ?
Elles firent non de la tête et s'écartèrent pour ne pas continuer leurs messes basses. Ariana se remit à scruter la foule et tomba cette fois sur Rodolf Asturi, qui discutait avec... Shander ? Le Gray avait changé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu. Non seulement ses biceps faisaient maintenant la largeur des cuisses d'Ariana, mais il avait aussi pris vingt bons centimètres en taille et devait la dépasser à présent. Depuis combien d'années ne l'avait-elle pas vu ? D'ordinaire, c'était son père qui venait à la fête des lumières, et il laissait ses fils à Blackcliff, leur résidence.
De quoi pouvaient-ils bien discuter ? Une alliance entre les Asturi et les Gray ne pouvait signifier qu'une chose : de la saphyrite allait changer de mains. Rodolf était riche à ne plus savoir quoi faire de son argent, et la seule chose qu'il n'avait pas achetée jusque-là, parce que le père de Shander avait refusé, c'était de la saphyrite. Mais si la jeune garde prenait la direction de la famille, et décidait de céder aux demandes des Asturi, le sud-est de Saphyria pourrait commencer à obtenir de la saphyrite. Que cela signifiait-il et quelles en seraient les conséquences ?
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Le trône des magiciens - Préquel - L'éveil des ténèbres
FantasyDécouvre ce qu'il s'est passé à Saphyria, 15 ans avant les événements du tome 1 du Trône des Magiciens. Comment les Ténèbres ont-elles poussé les magiciens à quitter leur monde et à se réfugier sur Terre ?