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Alice

- Merci pour la caution, rendez-vous au mois prochain. il se lève de cette chaise et je fais de même. Bonne journée !

Nous nous serrons la main et je me rassois à la terrasse de ce café ensoleillé en face du Panthéon. Les lunettes noires sur le nez, je dissimule ma tête de cadavre et mes yeux de zombie. Je finis de boire mon grand verre de menthe à l'eau puis je paye et récupère le trousseau de clés de mon nouvel appartement parisien. Celui-ci se trouve juste en face du magnifique monument sur la place du Panthéon dans le 5e. J'ai eu énormément de chance de trouver un appartement aussi grand dans un tel quartier... Certes le loyer n'est pas donné, mais grâce aux contacts de mes parents, je suis une locataire huppée ! Le propriétaire, un ami de la cousine de ma mère, m'a fait un prix peu non-considérable, aussi je ne pouvais pas refuser l'offre. Il me reste un diplôme à passer et ensuite je pourrais enfin trouver mon appartement, rien qu'à moi ! Et si je deviens diplomate, j'en aurais même un de fonction. Pour le moment je suis encore un peu dépendante de mes parents... Bah oui ! Un appartement en face du Panthéon ça coûte quand même la peau du cul.

Je peux enfin cocher l'une des cases de ma liste intitulée «une nouvelle vie» (un nom vraiment ringard je sais) que j'ai créée il y 3 semaines, juste après qu'on m'ait... Qu'on se soit foutu de moi je veux dire. Qu'on m'ait prise pour une bouffonne.

En général, la journée je pense que je vais bien... Mais dès que le soleil se couche et que la lune montre le bout de son nez, mon cœur se sert et essaye de rejeter toutes ses pensées et souvenirs obsédants et dévalorisants.

Je ne suis jamais plus retournée à l'entraînement. Je me suis disputée avec Kylian. Louise et moi ne communiquons que par messages (à cause du rassemblement). Je n'ose plus regarder un homme dans les yeux. Je n'ose plus me regarder dans les yeux. Je n'ose plus me regarder tout court, je me dégoûte. Je me trouve si indésirable. Je comprends pourquoi il ne voulait pas de moi en réalité. Je comprends pourquoi il s'est joué de moi. Je me hais, je me répugne, je me déteste. Il ne me reste plus rien d'estime de moi-même. Je me suis promis de ne plus jamais penser à lui. De ne plus jamais prononcer son nom...
Car, il a tout gâcher.

La seule chose qui me maintien debout est le travail. J'ai l'impression que c'est l'une des seules choses pour laquelle je peux être quelqu'un d'important, je pense pouvoir servir à quelque chose. Je sais que je suis plutôt douée. Je ne crois en moi que pour cela.

Une fois rentrée, j'observe ce grand salon vide, il me fait penser à moi. Je suis vide. Peut-être que si je le remplissais, mon esprit aussi se sentirait comblé...
«hum, pas très convaincant Alice»

Je me dirige vers ma nouvelle chambre, un grand lit blanc se tient devant moi. Mais il n'y a personne. Absolument personne. Je ne sais pas pourquoi je m'imaginais qu'il pourrait y avoir quelqu'un, qui m'attendrait avec un bouquet ou un mot doux.

J'envoie un message à Louise et à Kylian (même si nous sommes en froid). Laisser passer le temps est le meilleur moyen de régler les disputes avec mon Kyk's que j'aime plus que tout.

«Salut ! J'ai ENFIN mon nouvel appartement ! J'aimerais vous inviter !!!! Mais bon, quoi qu'il en soit je serais là demain pour ton match contre les Pays-Bas mon Kyky ! Je t'aime et je suis vraiment désolée <33»

Je n'ai pas le temps d'envoyer le message qu'il me répond :

«Super pour ton appart ! Tu vois, tout va bien se passer. Si tu savais depuis combien de temps j'attends que tu m'envoies à nouveau un message ! 3 semaines Alice et je ne sais même pas comment tu vas ! En plus avec ce qu'il s'est passé... Bon, demain t'as intérêt à être au premier rang parce que te prendre dans mes bras et la seule chose qui me manque en ce moment. Alors évite d'être en retard, et je serais toujours là pour vous.»

Je souris. Je me surprends entrain de sourire. Seul l'amour peut me guérir d'une blessure d'amour. J'aime Kylian. L'amitié sera donc mon traitement à cette maladie qui dévore jusqu'à la moelle : aimer...

C'est la première fois depuis ces trois semaines que je souris. Merci Kylian. Merci.











Benjamin

«Benjamin, tu me répugnes, je te hais...»

Il est 15h et c'est la trentième fois que cette phrase, blessante et vraie me traverse le cerveau.

Le coach pose sa main sur mon épaule lorsque je sors de la salle des massages.

- Écoute Benji, je ne te sens pas très bien ces derniers temps...

Je lui coupe la parole. Je sais ce qu'il va me dire et je le redoute, je ne veux pas l'entendre. Je préfère ne pas l'entendre.

- Oui. dis-je fuyant du regard.

- Je ne pense pas que tu seras dans les 11 de départ ce soir. C'est pour ton bien et celui de l'équipe. Ok ?

Il m'adresse un regard suppliant, il aimerait que je comprenne alors qu'il vient de me foutre au placard !? Il me quitte, je suis inerte dans le couloir sombre inondé d'une lumière aveuglante.

Je crois que je ne tiens plus. Un rien, un rien me fait craquer. Je ne peux pas pleurer devant les autres, ça serait trop la honte. Mais là...
La tristesse fait place à la déception qui se transforme en colère, je suis en colère contre moi-même.

Lucas connaît mon secret ce qui me rend vulnérable, plus que jamais. Un mot de sa part et je m'écroule mentalement définitivement.

«Piscine !» hurle Antoine dans le couloir en tapant contre les portes de toutes les chambres. Je ne veux pas y aller. Je n'arrive plus à sourire pour de vrai tellement je m'en veux.
«Tu vas pas te cacher jusqu'à la fin de ta vie Benjamin !», j'entends la voix de ma mère qui me murmure ça à l'oreille. Je crois que j'ai besoin de l'appeler. Oui, ce soir je l'appelle je me sentirais certainement mieux car mes parents trouvent tout le temps les mots justes, ils ont toujours raison, ils savent ce qui est mieux pour moi et je les écouterai toujours.

Je prends un long moule bite-cycliste de l'équipe de France dans mon tiroir et je l'enfile avec difficultés, on dirait bien que mes quadriceps et que mes fessiers ont gagné un peu de corpulence. Ce qui n'est pas pour me déplaire je dois l'avouer.

Avec des claquettes et un peignoir je me rends dans cet endroit que je n'avais pas vu depuis des lustres. Quand j'entre, la vapeur d'eau m'attaque le visage et ma respiration s'en trouve en difficulté. Je passe ma main dans mes belles (je trouve) bouclettes brunes ou châtains, je ne sais jamais. Puis je vois Théo, Lucas et Olivier qui me font un signe de main dans le deuxième bassin. Ils ont l'air détendu, en effet un sourire relaxé colle au visage de Théo, son frère, lui, ferme les yeux comme s'il dormait, et Oliv' pousse des gémissements agréables.

- Pourquoi tu fais la tête Benji ? Détends-toi ! me lance Antoine devant qui je passe une serviette sur l'épaule.

- Oui, c'est vrai, ça fait deux semaines que tu fais la gueule, c'est peut-être pour ça que t'as pas de chance avec les filles ! enchéri Théo.

J'entre dans cette eau brûlante qui me cuit la peau et me débarrasse de mes toxines.

- Pff... réponds-je sèchement à Théo.

Eux aussi portent ces moules-bites ridicules, je me sens soudainement moins seul.

Ce que Théo ne sait pas, c'est que je m'en contre fous totalement des autres filles, je m'en contre fous totalement d'avoir du succès ou de la chance avec elles, je veux seulement que boucles d'or revienne, une dernière fois. Pour que je puisse la voir, la sentir, lui parler une dernière fois. Je voudrais aussi lui dire tout ce que j'ai sur le cœur. Et m'excuser. M'excuser jusqu'à ce qu'elle ne soit plus blessée et qu'elle me pardonne...
Je m'excuserai jusqu'à ne plus avoir de salive, de voix, ni de vie. Je m'excuserai jusqu'à ce qu'elle me pardonne. Même si je dois tout laisser derrière moi, je m'excuserais s'il le faut...

Only one thing was missing Où les histoires vivent. Découvrez maintenant