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Alice

- On mange encore des pâtes ! crie Louise au réfectoire.

- C'est bon pour le cerveau ! dis-je levant mon index droit.

- Oui, bah pour le peu de cerveau qu'ils ont, ils ont pas besoins de l'alimenter.

- Ahahaha !

J'adore Louise, même si ses blagues sont parfois quelques peu «vexantes». Mais on s'y habitue avec le temps, et puis là pour le coup c'était vraiment drôle et un peu vrai...

- Je vous ai entendu mes demoiselles !

- Roh mais on rigole mon Kyky ! Et entre nous...elle approche sa bouche de l'oreille de Kylian. T'es le plus futé !
Elle finit par lui faire un clin d'œil malicieux.

Encore une fois, en arrivant à la salle à manger je ne sais pas où me placer. Paul et Antoine me font un signe de main. Je les regarde perplexe «moi ?» ils acquiescent. Je les rejoins alors suivie par Louise et Kylian.
Sans le vouloir, je cherche Benjamin du regard dans la salle. J'aimerais bien en savoir plus sur lui. Mais en même temps, je ne pense pas avoir besoin de le connaître, j'ai l'impression que je...enfin, ça semble stupide mais...j'ai l'impression que j'ai lu dans son âme, ou qu'une fibre optique est installée entre nous, et que je peux capter certaines informations lorsque l'internet est bien branché. Oui, je confirme. Ce que je viens de dire est complètement stupide.

Je traîne ma fourchette entre les quelques pâtes jaunes au blé complet qu'il reste dans mon assiette blanche.

- De l'eau Alice ? me demande Antoine.

- Oui s'te plaît.

Je relève alors la tête et je le vois arriver. Il donne un coup de poing dans le bras de Lucas. Ils ont l'air très complices. Une goutte d'eau coule lentement sur sa tempe. Il a certainement pris une douche puisqu'il a aussi les cheveux mouillés. Son blouson bleu marine lui moule les pectoraux et son jogging serré dessine clairement les courbes des ses cuisses fines.
Soudainement, je l'imagine portant une toge et une couronne de lauriers. Il scrute la salle de ses yeux bruns en amende. Il ne peut pas être être humain. Un Dieu grec oui, mais pas un vulgaire et banal homme. Non, impossible.

Je l'observe, je le fixe. Nos regards se croisent et je dévie rapidement le mien vers celui de Lucas pour sembler égarée. Oh non ! Ils viennent vers nous. Et encore pire... BENJAMIN S'ASSOIT EN FACE DE MOI ! Qu'est-ce que je dois faire ? Je lui parle, je panique...non, je le laisse me parler en premier. C'est à dire que je n'ai pas beaucoup d'expérience avec les hommes. Surtout avec ceux qui me font sensation. Non, je ne peux même pas décrocher un mot. Comme je le sais déjà, sa présence créée un nœud dans ma gorge qui provient du plus profond de mes entrailles.

Je cache ma nervosité derrière un grand sourire faux et linéaire. Il pose ses coudes sur la table pour écouter le fameux discours de Kylian, son avis sur l'équipe d'Australie. Son speech je l'ai entendu des milliards de fois, et c'est toujours le même. Déjà quand on avait 14ans il pensait que cette équipe était polyvalente, qu'elle serait parfaite pour la ligue 1 par exemple et puis bla-bla-bla...

«pff...», je souffle. Pendant que toute la table est captivée par ce que dit Kylian, sauf Louise et moi, je ne me prive pas d'observer la mâchoire rude et hexagonale de Benjamin. Certes il est en face de moi, mais il a la tête tournée alors...j'ose espérer qu'il ne me voit pas.

Eh merde ! Il tourne la tête. Il me voit. Je le vois. Il me regarde. Je le regarde. Sans dire un mot il avance ses mains sur la table et se tripote le bout des doigts. Kylian n'a plus trop l'air de l'intéresser. Maintenant on dirait plutôt que c'est...moi. Oui, je crois qu'il veut me parler. Me dire quelque chose, ou seulement interagir avec moi. Que ça soit lié à l'acte ou à la parole. Moi aussi je veux lui parler. Mais j'en suis incapable.

Il promène son regard autour de mon visage. Il le descend lentement, son regard est pesant, comme s'il me palpais charnellement rien qu'avec ses yeux. D'abord mes cheveux, au dessus de mes yeux, puis mon nez, mon coup et enfin...QUOI ! Mais il faut pas te gêner surtout ! C'EST TRÈS INDISCRET ÇA ! Voyons ! Il est interdit de dévisager mon décolleté de la sorte !
Heureusement il remonte rapidement son regard. Mais, cette fois-ci, au lieu de se contenter d'observer mes sourcils, il plante ses yeux noisette dans les miens. Oui, il les plante. Ce regard est si violent. C'est la première fois que je le regarde et qu'il fait de même. Si l'œil pouvait chauffer il m'aurait rôtie sur place. J'aurais fini carbonisée ou au moins brûlée au troisième degré.

Après ce jeu de regard très intensif et déstabilisant il décroche enfin un mot.

- Tu pourras dire à Kylian que c'est bon pour la soirée dans deux jours ?

- Euh oui, oui je lui dirai..

Oula, mais qu'est-ce qu'il m'arrive. Mes joues me piquent et mes pieds sont engourdis. Je crois que je rougis. Tout mon corps rougis. Je bégaie, impossible d'aligner plus de 5 mots sans que mon cœur batte à grands coups. Alors, c'est ça l'effet qu'il me rend. Il me transporte dans cet univers inconnu. Cet univers de la honte, de la joie, de l'excitation, de la peur, du doute, de l'addiction, et du sourire. QUELQU'UN POURRAIT-IL METTRE UN MOT LÀ DESSUS. Un mot, une définition, rien qu'un petit quelque chose qui m'aide à comprendre ou à préciser, spécifier et pouvoir poser des limites à cet univers pour éviter de m'y perdre.
C'est décidé, je dois en parler, poser des questions, comprendre. Louise et Kylian sauront sûrement. Oui, je sais qu'ils sauront.










Benjamin

Oui, elle m'a répondu. Sa voix est douce mais tremblante. C'est à dire que je la sens beaucoup plus docile, beaucoup plus agréable et beaucoup plus abordable qu'hier. On dirait qu'elle est passée d'un grand, imposant et terrifiant cactus à une gentille, douce, délicate et jolie jonquille.

J'avance mon pied en dessous de la table. Et, le bout de ma basket touche le bout de celle de boucles d'or. Je décale immédiatement mon pied.

- Oh, désolé...

Je ne veux pas qu'elle pense que je lui fais du pied ! Surtout pas. Ce serait vraiment, vraiment embarrassant. Et puis, je ne veux pas une fois encore passer pour le mec lourd. Je veux dire, sans me jeter des fleurs, que je suis en réalité l'inverse d'un mec lourd. En général je drague à la légère avec des petits eyes-contacts et ce sont les filles qui viennent à moi directement. Mais là, c'est vrai que Lucas m'a mis un peu la pression, alors je veux lui montrer de quoi je suis capable.

Mais maintenant que je sais ce que je veux faire. Je sais que je veux Alice. Je vais peut-être juste, tenter d'être moi-même. Généralement ça ne marche pas avec les filles; mais bon, un abattage ça n'arrive pas non plus chaque jour dans une vie...

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