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Plongeon aux aurores dans la piscine et nouvelle séance de torture :une brumisation qui manqua l'étouffer, suivie d'un arrachage en force des comédons disgracieux durant lequel on lui tordit le nez, on lui pinça la peau, on labours son épiderme sous prétexte de libérer ses pores,puis le passage d'une sorte de toile éméri (pour le peeling) qui mit son derme à vif,enfin une épilation des sourcils qui lui tira des larmes de douleur. Un massage était censé "remodeler" toute cette chair en vrac . Ce fut le seul moment agréable de l'opération que Cécile se jura de ne jamais renouveler. Mais elle dut reconnaître que,sortant de là, elle se sentait toute neuve. Quand Patrick l'a vue arrivée dans le hall où ils avaient rendez-vous, il remarqua immédiatement sa mue:
  — Vous avez une peau magnifique, aujourd'hui !
Décidément, c'était un connaisseur!
Elle fit semblant de ne pas entendre le compliment, mais elle montra ses mollets et dit avec une grimace comique :
   — J'ai suivi votre conseils !
Elle suivit Patrick jusqu'à une petite voiture décapotable où ils s'installèrent. Jamais elle n'aurait pensé se faire une relation masculine au cours de son séjour et —même s'il n'y avait entre eux aucune équivoque, s'ils étaient et à coup sûr, ne seraient jamais que des amis —elle considérait cela comme une aubaine .
   
   Pour accéder au village de pamplemousse, il fallait traverser l'île d'est en ouest et prendre la route de port Louis que Cécile connaissait déjà puisque c'était celle qu'elle avait empruntée en arrivant. Patrick salamero jouait les guides, faisait des commentaires et,cette fois encore  Cécile ne savait où donner du regard :les arbres, les fleurs, la sable blanc, la mer ,tout suscitait l'émotion. La chaleur était supportable et le soleil semble s'être adouci: il ne lui brûlait plus la peau comme au premier jour.
Après une heure de route,les voyageurs se retrouvèrent devant le portail d'une immense grille en fer forgé, peintes en blanc,ouvragée à l'extrême,comme si l'homme avait voulu se mesurer à la Nature qui donnait ici la mesurer de ses talents.
  Ils pénètrent dans ce jardin d'éden par une large avenue sur laquelle veillait un éléphantesque baobab. Elle était bordé de part et d'autre par d'immenses lataniers embrassés de lianes et de philodendrons. Patrick connaissait bien les lieux  il entraîna donc la jeune femme,par un petit chemin transversal,vers une autre allée bordée de majestueux palmiers royaux. La rivière citron murmurait un peu plus loin,enjambée par un petit pont. Ils s' assirent sur banc,dans un jardin où se côtoyaient toutes sortes d'essence inconnus. Patrick commentait :
   — Voyez,celui-ci est le cannelure,et voici le teck,et là le badamier dont le bois rouge est utilisé par les ébénistes... et le goyavier royal. Appréciez comme tout cela sent bon... Ici,on ne se contente pas de contempler la nature,on la respire ! Même les arbres exhalent un léger parfum, de fleurs,de fruits, d'épices.....
    Tant de beauté, tant de sensations amenaient à l'âme de la jeune femme une ivresse délicieuse, faisaient frémir son épiderme fraîchement épilé. Son compagnon l'entraîna ensuite au bord d'un bassin couvert d'énormes nénuphars :
      —On dit qu'ils peuvent supporter le poids d'un enfant, dit Patrick.
Cécile ne voyait pas le temps passer et le jour se mourait quand ils se posèrent au bord du Grand Bassin . Des oiseaux caquetaient,l'eau était calme et pas un souffle de vent n' agitait les papyrus.
Qui est-ce ?demanda Cécile en désignant le buste d'un homme, sculpté dans la pierre noire volcanique, posé sur un piédestal, la tête légèrement inclinée.
   — Bernardin de Saint-pierre,l'autre de Paul et Virginie.
   
    — je suis entrain de lire.
   — Beau roman d'amour, non?
   —Mais dont chacun sait qu'il finit mal...
Patrick chantonna la plainte d'un autre poète :
    — Il n'y a pas d'amour heureux....et enchaîna par une question saugrenue... Vous y croyez, vous, à l'amour ?

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