chapitre quatre

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DEUX OCTOBRE ━━━━━━━━━━━━━━━━

LES GOUTTES DE SUEUR PERLENT SUR SON FRONT en cette nuit tombée depuis des heures à présent. Arthur dort à poings fermés, un sommeil d'abord apaisant et réparateur, ce qui ne lui était pas arrivé depuis plusieurs semaines. Ses nuits étaient dépourvues de tranquillité tant cette histoire de championnat lui trottait dans l'esprit. Ce sommeil agité réveille en sursaut Carla, qui observe complètement impuissante les larmes rouler sur les joues de son copain.

Il est dans une telle démence, une telle détresse qu'elle voudrait hurler à l'aide pourtant aucun son ne traverse la barrière de ses lèvres. Carla attend. Écoute les gémissements plaintifs et récurrents du châtain, les murmures qui lui donnent l'impression que ses oreilles bourdonnent.

Puis un hurlement strident du jeune homme se redressant d'un bond, la respiration lourdement saccadée par ce sommeil perturbé. Arthur ne parvient ni à inspirer, ni à expirer calmement et cette situation l'angoisse tellement que même l'étreinte de la jeune femme ne lui suffit pas. Il se débat et se lève brusquement, s'appuyant contre le mur pour atteindre difficilement la salle de bain.

Cette peur irrémédiable qu'il connaisse le même sort que Jules, qu'Anthoine, et bien d'autres pilotes malchanceux. Ses doigts se crispent sur la vasque et observer son reflet dans le miroir est une véritable torture. Sa respiration est saccadée et rien ne semble pouvoir arrêter cette aliénation.

— Arthur ? interpelle la jeune femme à son égard.

Le châtain relève ses iris vers Carla avant de se reculer brusquement tout en lâchant un cri strident et de fermer les yeux dans la volonté de ne plus jamais les ouvrir.

Derrière Carla, il est persuadé d'avoir vu les corps de ses deux frères ensanglantés, rendant cette léthargie réelle.

Cette hallucination qui lui fait perdre tous ses moyens, cette hallucination simplement théâtre de sa perdition.

La jeune femme, déboussolée, essaie de gérer cette situation du mieux qu'elle le puisse. Ses doigts se referment sur son avant-bras et elle grimace tant sa poigne est puissante par rapport à d'habitude. Il se débat en continuant de pousser des hurlements qui la font sangloter sans discontinuer. Ses yeux sont toujours fermés, comme s'il refusait de les ouvrir par peur d'y percevoir une vérité que lui-même souhaite éviter. Ses mains tirent quelque mèches de ses cheveux et Arthur aimerait que tout cela cesse.

La première pensée de Carla est de pousser le monégasque dans la douche, avant d'actionner le jet d'eau d'une main tremblante. La fraîcheur de l'eau le fait geindre quelques maigres instants avant que sa respiration ne s'apaise au fur et à mesure que les minutes passent. Il desserre sa poigne sur son avant-bras et marmonne une excuse. Carla s'accroupit et pose ses mains trempées de part et d'autres de son visage. Ses yeux s'ouvrent et Arthur pousse un soupir de soulagement en prenant conscience que cette hallucination était belle et bien irréelle.

Elle vient embrasser délicatement sa tempe et niche sa tête dans son cou avant d'exploser.

Et Arthur culpabilise de sentir le corps de sa compagne secoué par les sanglots, et certainement l'effroi qu'il a provoqué en plein milieu de la nuit. Ses bras passent derrière son dos qu'il vient naturellement carresser, dans l'incapacité de prononcer le moindre mot qui pourrait venir éveiller ses maux.

Le jeune monégasque perd toute notion spatio-temporelle et il ne sait guère combien de temps ils restent ainsi, assis sur le carrelage de cette salle de bain presqu'inondée. Il observe la jeune femme se décaler doucement, en reniflant et séchant ses dernières larmes. Son regard s'ancre dans le sien et le châtain déglutit en y percevant toute la détresse du monde.

𝐆𝐇𝐎𝐒𝐓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant