Chapitre 10

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« -Haz, tu viens.. ? »


Gemma m'appelle, mais sa voix me semble tellement lointaine à ce moment précis. Je sais ce qu'elle veut savoir derrière cette question banale. Elle veut savoir si je vais y aller. Je me suis posé la question une bonne cinquantaine, voire une centaine de fois et encore maintenant je ne sais pas. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Sans prononcer un mot j'ai passé ma main dans mes cheveux et me suis assis au bord de mon lit, fixant encore et toujours mon tableau de photos situé en face de moi, le regard vide.


« -Je ne sais pas Gem' »


Le son de ma voix veut tout dire je pense. Elle est morose, presque éteinte. Ma sœur s'est alors approchée et s'est assise à mes côtés, glissant une de ses mains dans mon dos pour me rassurer. Ca faisait longtemps qu'elle et moi n'avion pas été proches comme ça.


« -Elle t'en voudrait de ne pas être là, tu le sais ça.


-Je sais, je sais. Mais je n'ai pas le courage. Je n'ai juste pas le courage... »


La tristesse qui m'habite laisse place à la colère parfois, et précisément à cet instant elle choisit de refaire surface. Je me lève d'un coup, pensant à tous ceux qui seront là, qui vont pleurer et oublier dans une semaine, qui vont dire qu'ils sont désolés, qu'ils savent ce que je ressents. Non, ils ne savent pas, ils ne savent rien. Rien du tout. Et je les hais tous pour cela.                

Je fais le tour de la pièce, toujours en évitant le regard de Gemma, je sais parfaitement quel genre de regard elle a en ce moment, et ça sans même lui jeter un seul coup d'œil, un regard plein de pitié et de compassion. Je déteste ça. Je fixe de nouveau la photo que Julie et moi avons pris à la soirée de Jo. J'étais si bien en rentrant ce soir là. Je me disais que j'allais la voir le lendemain pour son anniversaire, lui chanter une chanson, lui dire à quel point je suis heureux de la connaitre, lui dire tout ce qu'elle représente dans ma vie. Tout était simple et clair, on aurait rit ensemble et après on serait allé manger une glace tout en pensant à nos projets pour les vacances. Main dans la main, en riant comme les enfants qu'on est. Ça aurait été parfait.                


Sauf que ça ne s'est pas du tout passé comme prévu. Je suis arrivé comme prévu le lendemain de cette fameuse soirée. Il n'y avait personne. L'ambiance était lourde, il y avait dans l'air quelque chose qui n'aurait pas dû être là. C'était anormal. Il n'y avait aucun bruit. Alors j'ai attendu, je me suis assis sur le perron et j'ai attendu. Je suis resté là une heure, peut être plus, je ne sais pas, et c'est sa mère qui est arrivée la première. Lorsqu'elle m'a vu en sortant de sa voiture elle s'est dirigée vers moi et m'a prise dans ses bras, puis elle s'est mise à pleurer. Fort. Et longtemps. Très longtemps. Trop longtemps. Alors j'ai attendu encore et encore, avec mes interrogations et mes craintes.                

Finalement la nouvelle est tombée. Julie était morte. Morte. Je déteste ce mot. Il est trop franc, trop dur à entendre. Un simple mot qui pourtant change une vie entière.


Maria m'a expliqué que la veille au soir, alors qu'elle rentrait chez elle, Julie a été fauchée par une voiture, un mec bourré qui conduisait et qui ne l'a pas vue, et qui s'est finalement enfui avant de se dénoncer lui-même à la police. Un témoin a appelé une ambulance mais elle est décédée avant même d'atteindre l'hôpital. Ils ne pouvaient rien faire de toute manière.                

Styles Stories - Partie 1: MomentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant