Préface

79 8 0
                                    

Tout ce que je veux - la vengeance

Tout ce dont j'ai besoin - la vengeance

Pardonner est divin

Mais la vengeance m'appartient.

Alice Cooper, "Vengeance is Mine"



La cuvette des toilettes est une bouée de sauvetage. La mer est déchaînée ce soir - ou ce matin ? Elle est à genoux sur le carrelage froid mais sa tête tourne comme si elle était sur le pont du Titanic.

Sortez les putain de violons, le spectacle va commencer.

Elle serre ses doigts autour du plastique blanc quand une nouvelle vague gonfle, et lui donne l'impression que sa tête pèse deux tonnes sur ses cervicales.

La nausée monte, elle ouvre la bouche et bave abondamment dans la cuvette. Rien ne sort, même si son cœur lui donne l'impression qu'il va s'arracher de sa poitrine pour caresser ses amygdales avant de rouler hors de sa bouche.

On peut vomir son coeur ?

Mais du coup comment on fait pour respirer ?

Gros marteau piqueur dans le crâne, cœur dans la gorge apparemment, ventre plus agité que le triangle des Bermudes, la naufragée rit par le nez. Elle sent le contenu de son estomac remuer, sable lourd et collant dans ses entrailles.

Ses paupières ne lui laissent qu'une petite fente de vision floue et dédoublée. Pour voir quoi au final ? Le fond marin d'un toilette, les carreaux à peine moins ébréchés qu'elle de sa petite salle de bain sale.

Hisse et haut matelot on vire à tribord !

Sans prévenir, la Terre prend un virage à droite et la grosse boule de bowling en haut de sa nuque écrase le dos de la main qui la tient accrochée à sa bouée.

Elle se redresse un peu, les mains sur le côté de sa tête pour tenir ses cheveux hors de la cuvette.

Trop vite.

La tête penche en avant.... Elle redouble d'effort pour contrôler le poids de cette boule tellement lourde qui menace maintenant de basculer en arrière...

Soudain, sa délivrance l'atteint enfin.

Son ventre se contracte, elle repart vaillamment en avant et le contenu liquide de son estomac se répand enfin dans le lagon azur avec une force remarquable et un bruit rauque encore plus impressionnant. Sous l'effort, elle se coupe en deux au-dessus de la cuvette, et peine à reprendre sa respiration.

Je vais vraiment l'arracher !

L'arracher. La théorie est fausse : parce que si c'était vrai, elle aurait réussi à le faire se détacher depuis longtemps. Pourtant on ne s'y habitue pas à cette sale sensation de crasse intérieure, brûlante et collante, qui vous donne froid et vous fait suer...

Nouvel interlude. Nouveaux rots et vagues colorées.

Elle souffle doucement par le nez pour calmer un peu les battements de ses tempes.

Ça tape tellement fort dans sa tête que les coups résonnent jusque dans ses oreilles.

Boum boum boum !

Elle ferme ses paumes sur ses oreilles et tente tant bien que mal de se reconcentrer sur le plan bancal qu'elle a prévu pour cette fin de soirée :

- vomir

- dormir (si possible pas dans les chiottes).

Allez, il en reste.

Elle expire vivement par la bouche, comme pour se donner du courage avant d'enfoncer son majeur et son index jusqu'à toucher sa luette. La marée noire ne vient pas.

De grosses larmes mouillent ses joues, elle bouge ses doigts pour déclencher un réflexe dans sa gorge mais à part un peu de salive, rien ne sort.

Elle se dit en souriant de travers sur ses doigts qu'elle a trop d'entrainement. Elle retire ses doigts gluants et tousse bruyamment dans la cuvette avant de réessayer avec plus d'agressivité. Ça fonctionne. La dernière gerbe qui éclabousse la cuvette la laisse haletante, la bouche remplie d'un goût amer.

Ça tape encore dans ses oreilles. Cette fois c'est plus proche. Elle se redresse faiblement en grognant pour tirer la chasse avant de s'effondrer à nouveau sur son nouveau repose tête, ses paupières plus lourdes que jamais. Le pire est passé, elle ferme les yeux, sa main droite encore gluante à l'intérieur du gouffre.

Un grincement semblable à celui des os de sa nuque atteint difficilement ses oreilles bouchées. Plus bizarre encore, une odeur fraîche qu'elle a du mal à identifier vient de s'inviter tout près d'elle.

Tiens c'est quoi... Un agrume ? C'est mon produit pour les toilettes.

Se dit-elle en souriant brièvement, en inspirant les embruns à plein nez.

Attends. Depuis quand j'achète ça ?

Et puis ça sent plus cher. Orange mais différente... Orange verte ?

L'odeur devient encore plus bizarre quand elle se met à parler.

- Heu... Bunny ? 

Caféine [Nanami x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant