11. Cheri cheri lady

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Tu as tellement changé depuis la dernière fois que je t'ai regardée dormir ici.

Tu as perdu des joues, des boutons, et gagné de minuscules lignes sur ton front. A moins que cela ne soit dû à de la déshydratation ? Je vais te chercher un peu de crème.

Un dimanche, 14h. De minuscules particules de poussières flottent en suspension au travers du rayon de soleil blanc qui entre en symphonie dans la chambre. Des murs verts pastel, une fenêtre ouverte sur la cour, une bibliothèque avec un appareil photo numérique Nikon argenté. Une bassine d'inox en forme d'haricot au pied d'un lit simple, dans lequel est étendu une figure pâle, cheveux humides déployés sur l'oreiller. Un porte perfusion tient un sac translucide, piqué au bras de la dormeuse par un tube en plastique.

Karl se redresse, le dos douloureux. Il y a longtemps qu'il n'a pas été de garde, ou juste veillé aussi tard. La nuit a été rude. Quelques gouttes de Xyrem, juste de quoi lui offrir un sommeil réparateur, et elle s'était mise à vomir comme une fontaine. Elle devait être à jeun. Trop fatiguée peut-être aussi. Il s'en mordrait les doigts. Le médecin qu'il est ne fait jamais d'erreur. Pas une seule, de toute sa carrière. C'est d'ailleurs ce qui lui a valu sa réputation. Le père par contre... Ce n'est pas si sûr. On dit bien qu'il ne faut pas soigner ses proches. La sensation de son corps fiévreux, brûlant et humide contre le sien lui revient rapidement en esprit.

Trois coups légers contre le bois de la porte le font sortir de sa rêverie.

"Monsieur ? J'ai le bouillon que vous m'avez demandé.

- Pose-le sur la table de nuit. Karl lui montre le meuble du doigt, puis se masse les tempes en grimaçant légèrement.

- Vous devriez aller vous reposer, Monsieur. Je peux rester ici en attendant."

Il dévisage alors le jeune qui est entré.

Un rouquin aux dents écartées, très laid. Il a toujours fait confiance à ce genre de créature abandonné par la nature. Les personnes dépourvues de toute expression de beauté n'ont rien d'autre à faire dans ce monde que servir celles qui leur sont supérieures. Si le charme vous évite, c'est que votre être est fade, que vous êtes de ces individus moyens que l'on oublie de leur vivant. Enfin, la sélection naturelle fera bien les choses, et cette espèce de sous-homme sera un jour éteinte. Les laids ne pourront jamais égaler les beaux, car ils portent en eux ce rejet de l'harmonie cosmique. De cette rancœur naît leur indolence, qui n'est jamais dépassée dans la quasi-totalité des moches. Ainsi vont les choses. Il faut savoir cultiver sa beauté, car la laideur n'apporte qu'un abrutissement servile.

Le garçon - dont il n'a fait l'effort de retenir le prénom - est le parfait exemple de cette laideur idiote. Apathique, il ne semble pas avoir plus de réflection qu'un bovin machonnant. Peut-être qu'avec un peu de bave aux lèvres il aurait pu le prendre pour un boeuf Salers.

Le garçon donc, n'est qu'un bon à rien passant au moins la moitié de son service à réparer ses erreurs. C'est un paresseux, qui a pour plus grande qualité celle de la discrétion, uniquement due à la grande plaine vide qui occupe sa boîte crânienne. Finalement, c'est ce comportement lobotomique qui lui inspire confiance. Oui, le benêt n'aura jamais l'idée audacieuse de poser un petit doigt sur sa dormeuse.

Il s'adresse au garçon en gardant sa voix basse pour ne pas la réveiller.

"Bien. Tu vas rester ici Benoît et -

- Max, Monsieur."

Karl le fusille du regard. Le garçon laisse pendre les brindilles qui lui servent de bras le long de son corps et le regarde dans les yeux. Le regard opaque, absolument vide et lourd de cet herbivore est insupportable.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 30 ⏰

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Caféine [Nanami x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant