18.2. Zoey

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Je savais reconnaître les signes et évitai d'insister. Je partageai cette réticence à évoquer le passé.


— Depuis que je suis installée ici, je me contente de faire le trajet appartement-librairie. Les sorties en pleine nature me manquent quand j'y pense.


— Il y a des coins sympas autour de Minneapolis. Dans le temps, on partait souvent en virées avec mon frère, près des lacs.


— Les lacs, répétais-je avec nostalgie. Je n'y suis pas allée depuis mon enfance. On y allait tous les week-ends avec mes parents à l'époque...


Je déglutis sous l'afflux des images qui me revenaient. Je m'ouvrais avec tellement de facilité avec lui. Mon attention se focalisa sur mon verre pour reprendre contenance.


— C'était mes meilleurs souvenirs, repris-je.


— On pourrait y aller ensemble si ça te dit.


Mon regard remonta vers son visage. Je cillai, surprise et émue par sa proposition.


— Je... Oui. J'aimerai beaucoup.


Mon cœur s'emballait, le traître. Son sourire, ses prunelles bleues, ses paroles, ce garçon en face de moi tel un cadeau du destin.


— On peut organiser ça le week-end prochain si tu es disponible. Mon planning est libre pour le moment. Je prendrai une voiture de location, à moins que la moto te tente ?


Je me crispai sur ses derniers mots.


— Je préfère la voiture si ça ne te dérange pas.


— Alors on fera comme ça.


Je retrouvai l'abri de mon verre pour cacher mon trouble. Je sentais mes joues s'échauffer sous son attention. Il but le sien avant de me poser des questions sur mon travail. Un peu plus à l'aise sur ce domaine, je me laissai aller à parler de ma passion pour les livres. On se découvrit un autre point commun. On s'échangea nos derniers coups de cœur. Plus je discutais avec lui, plus j'appréciais la personne que je découvrais.


Un message de ma colocataire me fit reprendre conscience du temps. J'avisai l'heure sur mon téléphone et me dépêchai de la rassurer.


— Je n'avais pas vu qu'il était aussi tard, m'excusai-je. Je vais devoir y aller. Le dernier bus va bientôt passer.


— Je n'avais pas songé que tu habitais loin d'ici. Désolé. Je vais te raccompagner. Ah..., mais je suis venu en moto...


— Ne t'inquiète pas. Je vais prendre le bus. L'arrêt est...


— Je te paye le taxi, c'est non négociable, me coupa-t-il. Pas question que tu rentres seule en bus à cette heure. Je ne serai pas tranquille, ajouta-t-il en me voyant prête à refuser.


— Bon d'accord, cédai-je.


Je farfouillai dans mon sac à la recherche de mon portefeuille mais Trevor me devança.


— On y va ? m'invita-t-il une fois revenu.


— Mais...


— C'est normal. Je t'ai invité, rappelle-toi.


Je lui souris, incapable d'insister. J'ajoutai tout de même que la prochaine fois était pour moi. Il inclina la tête, un demi-sourire craquant aux lèvres. On revint dans la salle principale, s'arrêtant au passage au comptoir pour saluer le gérant.


— Alors les jeunes ? Vous avez passé une bonne soirée ?


— Impecc, Charly. Comme au bon vieux temps, répondit Trevor.


— J'ai beaucoup aimé le cocktail, ajoutai-je.


— Revenez quand vous voulez en tout cas.


Pour rejoindre la sortie, le jeune homme posa sa main au creux de mon dos, me guidant entre les tables bondées. Je me laissai aller à apprécier le contact. Dans le même temps, une sensation désagréable me picota la nuque, l'impression de me sentir épiée. J'observai les alentours sans trouver l'origine de cette attention. Il y avait tellement de monde. Déjà nous atteignons la porte vitrée et quittions l'atmosphère chaleureuse du bar. Je chassai cette préoccupation de mon esprit. Comme promis, il m'appela un taxi et attendit que je sois à l'intérieur avant de partir. J'emportai avec moi l'image de sa silhouette solitaire. Je me calai dans le siège, le cœur léger. Peut-être avais-je le droit au bonheur finalement.



RésonanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant