Grande Ourse

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Scène de sexe. Elle est délimitée par des citrons 🍋🍋🍋

S'il y a un endroit que j'exècre particulièrement à l'université, c'est bien le bureau du Professeur Morris. Il est minuscule, rempli de papiers divers datant des années quatre-vingt, et il sent le renfermé. La chaise sur laquelle je suis obligé de m'asseoir — puisque c'est la seule libre — grince. Et pour en rajouter une couche, elle n'est pas confortable.

À chaque fois que je viens ici, j'essaie de rester le moins longtemps possible. Je dis ce que j'ai à dire et je déguerpis à toute vitesse pour prendre une bonne douche. Mais pas aujourd'hui. Parce qu'aujourd'hui, je me fais remonter les bretelles.

— Votre conférence était mauvaise, Monsieur O'Brien. Elle n'était pas préparée, vous n'avez pas répondu aux questions des élèves et il était clair que vous auriez préféré être ailleurs. Je vous rappelle que vous êtes payé par l'université afin de donner des cours et que ces conférences en font partie.

— Je l'avais... oubliée. C'est votre mail qui a réveillé mon cerveau. J'avais d'autres plans de prévus pour ce week-end, en effet. Je voulais m'enfermer pour travailler à la rédaction de ma thèse.

Fort heureusement que je ne suis pas Pinocchio ou mon nez se serait allongé de plusieurs mètres.

— Est-ce que vous êtes heureux d'être là, Monsieur O'Brien ?

Je cligne plusieurs fois des yeux en fixant mon directeur de thèse. C'est un vieux monsieur, un peu l'archétype du professeur de fac. Il porte des chemises aux couleurs fades, une veste en tweed pleine de poussière, et il se gomine les cheveux tous les jours avec dextérité. Pour en rajouter une couche, il a une moustache proéminente dont il prend grand soin.

— Pardon ?

— Je vous demande si vous êtes heureux d'être doctorant, de travailler sur votre projet de thèse et d'aider de jeunes âmes à découvrir les merveilles de l'astrophysique.

— Pourquoi me posez-vous cette question Professeur ?

J'ai presque peur qu'il me jette dehors et que je me retrouve sans rien. Je n'ai aucune envie d'aller supplier mes parents de m'embaucher dans leur entreprise. Ça serait une vraie régression.

— Parce que vous ne semblez plus passionné par ce que vous faites. Je me souviens de vous la première année. Vous étiez tout feu tout flamme, vous posiez de nombreuses questions, et il vous arrivait de passer des jours entiers à la bibliothèque. Désormais, j'ai l'impression que la rédaction de votre thèse est une corvée infâme et que vous préférerez être ailleurs qu'ici.

Je fixe mon directeur. J'avais l'idée de mentir quand il a commencé sa réplique, mais plus maintenant. Il a le droit de savoir ce qui se passe.

— J'ai perdu mon rêve.

— Ah ?

— J'ai vingt-sept ans, ce n'est plus l'âge d'avoir un rêve et de le poursuivre avec tant de ferveur. Mais il était important. C'est à cause de lui que je suis venu ici, que j'ai quitté Belfast. C'est à cause de lui que je me suis lancé dans tant d'années d'études, si bien que le monde du travail me fout les jetons. Et c'est à cause de lui que je suis coincé avec ma fichue thèse.

— Et quel est ce fameux rêve ? Aller dans l'espace ?

Il rit. Je m'en doutais. Il me trouve ridicule.

— Oui. Rentrer à l'ESA, et devenir astronaute. Me rendre dans la station spatiale internationale, sur la Lune ou même sur Mars.

— Oh. Vous ne rigoliez pas. Vous êtes sérieux.

Ciel de constellations [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant