Rubis

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— Yahiko ? Tu peux m'expliquer ce qu'il vient de se passer ?

— Très simple, mon adorable éditrice. J'ai écrit toute la nuit. Et je n'ai presque rien effacé.

— J'ai l'impression d'être devant une série. Un auteur qui revoit son ex et qui retrouve l'inspiration.

Je lui souris. Pour une fois, je comprends la référence. Ma mère est fan de cette série, même si le scénario sur les dernières saisons est un peu bancal.

— Oui, mais contrairement à ce personnage, je ne vais pas du tout nier le fait que c'est grâce à l'idée de revoir mon ex que mon inspiration est revenue. Et aussi d'avoir discuté avec lui par mail.

— Qu'est-ce qu'il a, ce fameux mec ? Pourquoi est-il si exceptionnel ? Pourquoi bouscules-tu toutes tes habitudes pour lui ?

— C'est ma Nébuleuse. Tu ne peux pas comprendre. C'est un truc entre lui et moi.

Je pose les coudes sur le bureau de mon éditrice — en manquant de me riper la peau au passage — et j'y glisse ma tête, que je penche d'un côté. Ma mère me dit toujours que je joue au garçon faussement innocent quand je suis ainsi.

— D'accord, d'accord. J'aurais quand même le droit de le remercier ou seul toi as l'autorisation de parler à la Nébuleuse ?

— Hum... c'est à voir...

— Je vais finir par demander à mes patrons de te filer à une collègue. Tu es un auteur absolument affreux.

— Ne raconte pas n'importe quoi. Tu m'adores et je t'ai apporté une belle réputation avec le succès de mes livres. Tu n'as aucune envie de me laisser partir.

— Et tes chevilles, ça va ?

— Merci de t'en inquiéter. Elles se portent comme un charme.

Shanti soupire et je l'imagine se pincer l'arête du nez ou même lever les yeux au ciel. Elle n'apprécie pas spécialement quand je joue à l'écrivain arrogant. Le seul problème, c'est que dans ce cas précis, j'ai tout à fait raison. La maison d'édition a doublé de volume depuis que je suis un de leurs auteurs et que les Chroniques sont sorties. Ils ont également attiré beaucoup de nouveaux créatifs, que ça soit au niveau de l'écriture ou du graphisme, ce qui m'a permis de ressortir mes livres dans un format beaucoup plus luxueux, avec des dorures et tout ce qui s'en suit. Enfin, d'après les dires de Shanti.

— Plus sérieusement, Yahiko, je suis contente que tu aies recommencé à écrire. Vraiment. J'ai juste une crainte. Si tes retrouvailles avec ton grand amour ne se passent pas bien, tu risques de tomber à nouveau dans un syndrome de la page blanche et que celui-ci va durer.

— Comme tu le dis si bien, c'est un risque. Je ne vais pas jouer à l'autruche parce qu'il y a une possibilité que ça ne marche pas. Je déteste cordialement ces saletés de volatiles.

Pour une fois, le souvenir qui me vient n'est pas aussi joyeux que les autres. Je me rappelle une de nos grosses disputes avec Hyppolyte, au moment de rentrer nos vœux pour l'université. Il m'a menti pendant de longs mois en ne m'avouant pas que son rêve n'était pas de rester à Belfast, mais de suivre les pas de son idole, Stephen Hawking, et d'aller à Oxford. Il a joué à l'autruche jusqu'à ce que son mensonge le rattrape.

Au début, j'ai eu envie de rompre. C'est ma mère qui m'en a dissuadé en me précisant que bien que la communication soit la clef de voûte des relations réussies, ce n'est pas toujours facile de la mettre en pratique. Je ne devais pas prendre une décision aussi radicale sur le coup de la colère.

Hyppolyte s'est expliqué, très longuement. J'ai découvert qu'il mourait de peur à l'idée de m'annoncer qu'il partait en Angleterre, tout simplement parce qu'il avait conscience que je ne pourrais pas le suivre. C'est la crainte de notre séparation qui l'a mené à me mentir et à se transformer en autruche. Ça m'a encore fait un choc et j'ai demandé du temps pour réfléchir.

Ciel de constellations [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant