Chapitre 2 : l'attaque

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Je m'éveille en sursaut alors que j'entends des cris depuis ma fenêtre ouverte. Je bondis hors de mon lit et regarde ce qu'il se passe. Il fait encore nuit, même si le soleil ne va pas tarder à se lever lui aussi. Je discerne la forme arrondie et incandescent du soleil. Des hurlements à glacer le sang résonne de nouveau. J'aperçois des torches et des habitations en feu. Ils ne sont plus très loin. Ce sont les soldats du roi Midas, ceux qui habitent derrière la montagne. Leur uniforme bleu se voit à des kilomètres. Ils sont connus pour leur nombreux meurtres.

Qu'est-ce qu'il se passe ? Je cours jusqu'à la chambre de mes frères et les réveille en les secouant violemment. 

- Réveillez-vous les garçons ! Il faut qu'on parte. On est en danger ! Allez !

Je les aide à mettre leurs chaussures et je cours chez ma tante qui m'a entendu crier. Elle est déjà debout, et me regarde sans comprendre, vêtue de sa longue robe de nuit. Je l'empoigne par le bras et nous dévalons les escaliers.

- Rose ? Qu'y a-t-il ? commence à s'inquiéter ma tante en serrant mes frères contre elle.

- On est attaqués. On doit fuir, tout de suite ! 

Elle est sous le choc mais entraine les triplés dans la cuisine. Les petits comprennent rapidement qu'on est en danger de mort. J'ouvre le tiroir à couverts et en sors des couteaux tranchants que je passe aux garçons. Je m'agenouille à leur hauteur et les observe fixement. Ils sont terrorisés mais ne disent rien.

- Ecoutez-moi attentivement, d'accord ? On va devoir courir très vite et se réfugier dans la forêt. Le château est surement déjà envahi. Vous prenez ses couteaux et vous vous défendez s'il le faut. N'hésitez pas. Soyez forts et courageux. On est d'accord ?

Ils hochent la tête et je leur souris, espérant faire bonne figure. J'ai conscience que c'est difficile ce que je demande. Mais ils y arriveront. J'attrape un tisonnier que je passe à ma tante qui l'attrape. Moi je prends une bâton en bois pointu. C'est tout ce que nous avons et c'est déjà bien.

- On y va. On ne se sépare sous aucun prétexte.

Tante tient les garçons par la main et j'attrape la main du troisième. Nous partons vers la forêt derrière la ferme. Quand je me rends compte que toute ma vie est derrière moi, les dessins avec le visage de mes parents, il est déjà trop tard. Le feu a bien trop avancé. J'entends la mort. Elle ne s'arrêtera pas tant que nous ne serons pas tous morts. Nous courrons sans nous arrêter une seule fois, sans reprendre notre souffle. Les garçons ne se plaignent pas une seule fois.

Je m'arrête seulement pour libérer nos animaux. S'ils mettent le feu aux maisons, ils n'hésiteront pas pour notre ferme.

- Allez-y, je vous rejoins.

Tatie me lance un regard appuyé et j'acquiesce. Elle emporte les garçons et les met à l'abri. J'ouvre les boxes des chevaux qui sont déjà affolés et ils partent au galop. Je fais pareil pour les vaches, les chèvres, les moutons et les poules. J'ouvre toutes les cages. Les animaux s'enfuient, paniqués par la fumée.

Je les regarde partir, la boule au ventre. Tout sera bientôt réduit en cendre. Tout ce qu'il me reste de mes parents...disparus. Brutalement. Les larmes me montent et je renifle en contemplant les flammes ravager mon village. Qui est-ce que je pourrais encore sauver ? Mais puis-je seulement le faire ? En suis-je capable ?

Ma famille m'attend dans la forêt. Ils comptent sur moi, pour revenir saine et sauve.

Je ne peux pas laisser les dessins flamber. Je n'hésite plus une seule seconde et fais demi-tour. Je cours vers la maison. Je monte les marches deux à deux et ouvre la porte de ma chambre à la volée. Je me jette sur ma table de chevet et en sors tout mon carnet. Je le glisse dans ma veste. Les cris se rapprochent.

Je dois m'en aller tout de suite. Je n'ai plus une minute à perdre. Et pourtant, alors je descends vers la cuisine, j'entends des pas. Le sol craque sous leur poids. Mon cœur s'arrête tout comme mes pieds. Je reste immobile, la respiration coupée. Je me retiens au mur.

Il y a quelqu'un chez moi. Mais qui ? Serait-ce déjà un soldat ? Seul ? Impossible. Ils sont toujours à plusieurs.

Je remonte lentement les escaliers, essayant de ne pas faire de bruit. Mais la marche craque. Le souffle que je retenais manque de s'échapper tant je suis horrifiée. Les pas accélèrent et je remonte en vitesse dans ma chambre. Je ferme la porte à clé et cours jusqu'à la fenêtre. Pas le choix. J'ai ma batte dans les mains. J'ouvre la fenêtre et l'enjambe. Je vais devoir sauter. Pas le choix mais au moins, j'ai un peu de chance. Il y a le foin des chevaux juste sous ma chambre. Je devrais atterrir sans encombre. Logiquement.

Je ne réfléchis plus alors que l'inconnu explose ma porte. Je saute et ferme un court instant les yeux. Je rebondis dans le foin et me relève directement. Je me mets à courir en direction de la forêt. J'entends un souffle saccadé derrière moi. Il me suit ! Alors je traverse le chemin de cailloux près de l'orée de la forêt, je sens une vive douleur à ma tête et je tombe par terre.

Après c'est le néant total. Je ne sens plus mon corps et je n'entends plus rien.

Peut-être...suis-je morte ?

De cendres et lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant