Le lendemain, je suis réveillée à l'aube par Arow qui fait griller deux lapins au dessus du feu. L'odeur me fait presque sauter du sol. Je m'avance et hume la bonne odeur de la viande. Même s'il est tôt, ça n'a aucune importance pour moi.
Mon ventre crie "Manger, manger, manger" depuis des heures.
Le mercenaire tourne sa tête vers moi et me surprends à saliver. Il me donne une pichenette sur le nez. Je recule et tombe sur mes fesses, en grognant.
- Aie !
- Oh, arrête un peu de faire ta chochotte. Tiens, ton lapin.
Il me donne la pique qui traverse la pauvre bête et je la prends en le remerciant. Il hausse une épaule devant mon merci.
- Je sais être polie, lui dis-je, outrée.
Avant même que ça ne refroidisse, je bondis sur la viande et la dévore.
- Princesse ?
Je grogne, un morceau tendre à mi chemin de ma bouche. Je lève les yeux vers lui. Arow est occupé à me fixer. J'ai conscience de ne plus avoir aucune manière. Mais qu'importe, je ne vais pas me marier et personne ne me voit hormis lui.
- D'abord, on dit les grâces.
J'ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort. Les grâces ? Oh mon dieu. Devant ma tête de poisson hors de l'eau, il éclate de rire et croque dans la cuisse de son lapin. Mâchouillant, il prend le temps de me répondre :
- Je plaisante. Je ne suis absolument pas religieux.
Etant assise en face de lui, je m'approche à quatre pattes et lui envoie un coup de poing dans son épaule. Il recule mais il a quand même eu mal. Il me repousse et ma pique manque de tomber par terre. Je lève les deux bras en l'air.
- Non ! A cause de toi, ma nourriture a failli nourrir les fourmis ! m'écrié-je avant d'essayer de nouveau de le taper.
Comme un gamin, il rigole à nouveau en se tenant les côtes. Il ne se défend même plus alors que je l'attaque. Essoufflée, je me rassis et mange calmement, continuant de l'observer discrètement. Il est à présent concentré sur le feu, encore hilare.
Je finis rapidement mon repas et bois une gorgée d'eau. Je profite encore quelques minutes pour démêler mes cheveux avec mes doigts, puis les attache en un chignon lâche.
- Allez, on y va, déclare Arow en se levant.
Il ne m'attend pas et m'entraine au cœur de la forêt. Je suis étonnée de ne pas avoir Silas à mon réveil. Je me demande ou il est parti. Je reste derrière le mercenaire et analyse ses pas. Il est tellement grand que ses foulées me distancent rapidement. Je trotte pour le rattraper. Il va me tuer pendant les entrainements. Il a l'air fort. Et un mercenaire...ce n'est pas tendre en général. J'espère qu'il va s'adapter à moi. Je suis une fille et à part savoir envoyer un coup de poing, je suis nulle.
Dans mon village, les filles ne sont pas sensées apprendre à se battre. Il y avait une fille, Jasmine, elle savait tirer à l'arc à flèche et ramenait énormément de gibiers. Je me rappelle que j'étais toujours très impressionnée par sa force. Certains hommes étaient contre son activité mais elle ne se laissait jamais faire.
Dans mes pensées, je ne remarque pas qu'Arow s'est arrêté. Je lui rentre dedans. C'est la douleur qui m'accueille. Un vrai bloc de glace. Je tombe en arrière et avant que j'ai pu atteindre le sol, deux bras m'attrapent par la taille et me stabilisent.
- Non de dieu, princesse. Il va falloir aussi que je te sauve combien de fois ?
Je le repousse, une fois stable.
- Tu n'en auras plus besoin, promis.
Je remarque un rictus sur ses lèvres, signe qu'il ne me croit absolument pas.
- On va commencer. Mets-toi en place.
Je fais ce qu'il m'ordonne sans rechigner, ce qu'il remarque aussitôt. J'ai droit à un clin d'œil. A environ cinq mètres de moi, je me doute que cet entrainement sera sauvage et que je serai surement courbaturée.
- Fléchis un peu tes jambes, m'ordonne-t-il en faisant pareil de son côté. Parfait. Je vais attaquer en premier, ça va ?
Je hoche la tête et il court soudainement dans ma direction. Je me baisse à temps, évitant un coup dans mon estomac mais je n'ai pas le temps de voir qu'il s'est déjà retourné et me balaie. Je finis au sol, étalée dans les feuilles et la mousse. Je recrache une feuille de chêne d'un air dégouté.
- Allez, relève-toi. Ce n'est que de le début.
Je me relève maladroitement, plus de très bonne humeur. Pendant l'heure qui suit, il me met à terre à chaque fois. Je soupire de plus en plus et commence à injurier, ce qui fait rire le mercenaire à chaque fois.
- Une dame qui jure, ce n'est pas très joli, me fait-il remarquer.
- Je sais. Un mercenaire rabat-joie, ce n'est pas très joli non plus.
Il esquisse un sourire et charge. Il me plaque au sol et m'écrase de tout son poids. Fâchée, je me rebelle et ne parviens pas à me libérer. Il est bien trop lourd et fort. Il se relève et m'aide en me tendant sa main. Il n'a même pas l'air d'avoir chaud. Simplement en chemise, je distingue des muscles impressionnants. Il doit s'entretenir tous les jours, ça ne m'étonnerait pas.
Sur mes pieds, je chasse une mèche de mon chignon qui s'est échappée. J'ai tout mon corps en sueur. J'ai hâte d'aller pouvoir me laver.
- Bon princesse, c'est tout pour aujourd'hui. J'ai vu un peu de quoi tu es capable. C'est catastrophique, me lance-t-il en triturant de nouveau sa dague. J'ai pu analyser ton corps.
- Alors ?
Je n'attends pas avec impatience son avis. Au contraire. Je sens qu'il ne va pas m'épargner. Il se met à marcher autour de moi. Ses yeux me brûlent sur leur passage. Je croise les bras sur ma poitrine et le suit du regard. Ses yeux vairons sont très expressifs aujourd'hui. J'arrive à capter chacune de ses émotions.
Je me demande bien comment il est devenu mercenaire et pourquoi. Ou a-t-il vécu ? A-t-il vu beaucoup de royaumes ? Je suis certaine que oui. Je l'envie.
- Tu es grande pour une fille.
Avant que je puisse protester sur le terme de fille, il poursuit :
- Tu es bien en chaire même si tu as beaucoup maigri depuis l'attaque. Les muscles ne tarderont pas à apparaitre. Tu vas t'affiner. Tu auras plus de facilité à te déplacer. Je vais te faire courir et suer plus que jamais. Tu vas me détester, comme au début.
- Je te déteste encore, le coupé-je avec un air combattif.
Il remonte les yeux vers les miens et j'ai droit à un sourire de pure séduction. Je reste un moment figée.
- Je sais bien que non, princesse. Les débuts ont bien évidemment été compliqué. C'est souvent comme ça avec les filles dans ton genre.
Je coupe le contact visuel et avise la forêt. Je m'habitue lentement au silence ici et ça fait du bien, loin de l'agitation avant une fête à Belgrade, mon village.
- Certaines par contre...
- Je crois que j'ai compris, Arow Riley. Toi et ta belle gueule, avez les filles à vos pieds. C'est merveilleux.
A mon ton ironique et narquois, il embraye aussitôt.
- Exactement. Un séducteur dans l'âme. J'ai du fuir de chez moi, elles me voulaient toutes.
Un éclat de rire sort de ma gorge et les larmes me montent. Revenu devant moi, Arow me dépasse d'une tête, le regard rieur.
- Et toi ? D'innombrables jeunes hommes au village ? me demande-t-il sur le ton de la confidence.
J'ai beaucoup de mal à retenir la grimace de déformer mes traits mais je me retiens avec peine. Ce n'est pas le sujet que j'aime aborder.
- Beaucoup. Bon, je veux bien continuer à te parler mais je vais aller me laver. A tout à l'heure.
Je me détourne en vitesse et cours presque jusqu'au petit lac. Je plonge dans l'eau et également dans mes pensées.
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De cendres et lumière
FantasyRosalie vit dans un petit village où tout le monde se connaît. Elle menait une vie banale entourée de des petits frères, jusqu'au jour où des soldats arrivent pour tout détruire sur leur passage. La jeune fille fuit, blessée et erre dans la forêt pe...