De cendres et lumière

Chapitre 9 : les visions

Après être tombée une énième fois par terre, je ne déclare toujours pas forfait. Au contraire. J'ai encore assez de force pour continuer. Je n'ai su toucher Arow que cinq fois en tout. Ce n'est rien comparé à ma rencontre amoureuse avec le sol de la forêt. Je ne compte plus mes chutes.

Je souffle encore une fois sur une mèche de cheveux venue m'embêter. Arow fonce vers moi mais je m'y attendais. Je me baisse, et balaie ses jambes avec mes bras. Il tombe mais se relève illico. Je discerne une sauvagerie dans ses yeux. Je me demande bien à quoi il pense.

- Allez, continue ! me dit-il pour la centième fois.

Je suis aussi essoufflée qu'un bœuf. Mais je n'abandonne pas. Il recommence son manège, très rapidement et j'ai tout juste le temps de m'écarter et parer son coup de poing qui aurait fait un mal de chien. Mes côtes peuvent en témoigner. Il me fait mal, mais pas assez. Il se retient.

Il renvoie son poing qui me cueille dans l'estomac. La douleur me fait lâcher une larme que j'essuie aussitôt. Ses yeux cherchent les miens et je l'y lis du regret avant qu'il ne se reprenne et devienne encore plus impitoyable.

- Bien. A toi de commencer.

J'écoute chacun de ses ordres. Il parait satisfait. Je me mets à trottiner autour de moi, les bras en position. Il me suit des yeux, ne me lâche pas un seul instant. Très attentif à ce que je vais faire. Je bondis sur lui et m'agrippe à son bassin. Je suis comme un animal sur lui et j'enserre ses hanches avec mes cuisses, essayant de l'empêcher de se dérober. Il est dur comme du béton. Je martèle ses épaules de coups mais il me repousse et je tombe sur le dos. Il a une force incroyable ! Je me relève rapidement comme il m'a appris. Et je rebondis encore une fois, mais dans son dos. Ca, il ne s'y attendait pas. Je griffe ses épaules, essaie d'atteindre son visage et de le marquer sans trop lui faire mal. Mes côtes m'élancent mais je tais la douleur. Il tente de me faire décrocher de lui mais je suis solidement cramponnée à ses hanches. Il tente quelque chose que je n'ai pas le temps de réaliser. Il recule et mon dos tape dans l'arbre derrière moi, ainsi que ma tête. Je suis sonnée mais mes mains ne se desserrent pas autour de son cou.

Il se débat mais je tente le tout le tout. Je l'étrangle. Il bouge de plus belle et me cogne à nouveau à l'arbre. Cette fois-ci, je vois trente-six chandelles et je le lâche. Je finis au sol, le souffle erratique et mon crâne en bouillie. En face de moi, Arow n'en mène pas large, même s'il s'en porte bien mieux. Il respire fort, les mains sur les hanches. Voyant que je ne me relève pas, il s'approche et s'agenouille face à moi. Ses yeux cherchent les miens et s'y accrochent. J'y lis de la fierté. Ca me provoque un bond dans ma poitrine. Il tâte l'arrière de mon crâne et j'accroche son poignet sous la douleur.

- Ne touche pas, s'il te plait Arow, je murmure.

Il s'immobilise et l'inquiétude prend le pas sur le reste. Ses doigts continuent de toucher mon cuir chevelu. Je sens un liquide chaud couler le long de ma tempe. 

- Je suis désolé, princesse. J'y suis allé trop fort. Surtout que tu te remets encore de mon coup de la première fois. Il faut qu'on rentre, que je nettoie ça et bander ta tête.

Je secoue la tête et retiens un sifflement. Alors que je tente de me lever, une autre vision me vient et je suis envoyée en arrière, comme si on me poussait violement. J'atterris de nouveau dans le futur et cette fois, j'en suis sure.

Je suis dans un bateau avec de grandes voiles qui navigue sur une mer agitée. Je vois mon autre moi avec une épée sur le pont, en train de m'entrainer avec Arow. Il est torse nu et la sueur fait briller sa peau. Je me vois l'admirer en essayant d'être discrète. Mais il le remarque. J'ai droit à un clin d'œil appuyé. La moi du future s'avance avec assurance, et leurs épées s'entrechoquent. Le bruit du fer semble décupler. Le combat est tellement prenant, tellement sauvage, que je regarde avec des yeux ronds.