L'Empire. Voici le monde dans lequel je vis. Non, en fait, c'est inexact. Le « monde » n'existe plus. Ça fait des siècles que nous avons des Empereurs qui nous gouvernent, que nous vivons dans un monde froid et gris. Enfin pas pour tout le monde... Pour ceux qui ont de l'argent, tout va bien ! Mais pour ceux qui, comme moi, ne croulent pas sous les emperins - la monnaie impériale : c'est l'Empereur qui a choisi ce nom... je ne pense pas que ça a été trop difficile à trouver - ce n'est pas exactement la même chose. Quand on est dans la rue, on voit directement qui sont les riches et qui sont les pauvres. Les riches sont ceux qui rient à gorge déployé, les pauvres sont ceux qui regardent le sol en traînant des pieds, et qui se demandent comment ils vont faire pour nourrir leurs enfants. Je fais partie de cette deuxième catégorie. Enfin non, je suis encore en dessous.
Impossible, direz vous ? Pourtant c'est bien une réalité, et je ne suis pas la seule dans cette situation. Nous sommes des milliers, voir peut-être des millions à être dans le même cas. La vérité, c'est que je suis une esclave. Une pauvre esclave de rien du tout, qui appartient à son maître, un riche, trop feignant pour faire les taches les plus ingrates ; un riche qui préfère donner les ordres, car c'est beaucoup moins fatigant. Il paraît qu'à une certaine époque, les esclaves existaient, mais que les Hommes ont admis que c'était inhumain de traiter des gens comme ça. Et puis, il y a eu le premier Empereur. Tout le monde connaît cette histoire. C'était quelqu'un de riche, qui monta une armée, et prit le pouvoir d'un état. Puis de deux, et ainsi de suite. On raconte qu'on ne lui a opposé qu'une faible résistance, mais je n'y crois pas. Qui serait assez fou pour laisser à une seule personne le pouvoir d'une planète ? En tout cas, cet homme, si on peut l'appeler ainsi - beaucoup d'esclaves le surnomme « le Barbare » pour tous les massacres qu'il a commis pour s'emparer du pouvoir, et pour « le bien de son peuple ». Il disait cela comme si on lui appartenait, ce qui est peut être le cas d'ailleurs. Il existe certainement une loi idiote qui stipule que chaque individu de l'Empire lui appartient.
Je ne sais pas comment étaient traités les esclaves dans l'ancien monde. Mais j'avoue qu'il m'aie difficile d'imaginer pire traitement. Nous devons obéir à tous les ordres de nos maîtres, quelques soit leurs désirs. Pour nous y obliger, nous avons un tatouage sur notre poignet gauche, et ce, dès notre naissance. À croire que les gens sont assez stupides pour croire qu'un bébé peut comprendre un ordre et le respecter. En bref, si nous désobéissons à un ordre, ce fameux tatouage nous envoie une puissante décharge électrique. Cette décharge ne dure que quelques secondes, mais cela suffit à nous faire tomber dans les pommes. Il y a quelques années, j'ai eu un maître qui m'avait ordonné de ne pas m'endormir. Dès que je fermais les yeux, je me faisais électrocuter. Et ça l'amusait de me regarder hurler, il n'attendait que ça. Je le haïssais. En réalité, je déteste tous les maîtres. Ce sont des êtres immondes et sans cœur, qui prennent du plaisir à voir souffrir les autres, et encore plus si ce sont des esclaves. Les maîtres sont tous les mêmes : riches, puissants, arrogants ; le dernier adjectif est celui qui les qualifient le mieux. J'en ai eu énormément dans ma vie, beaucoup plus que la moyenne. En général, les esclaves n'ont que deux ou trois maîtres, avec lesquels ils restent longtemps. Moi, j'ai arrêté de compter après le vingtième. Il paraît que je suis « difficile », et que les riches me trouvent « insupportable ». Le Centre des Esclaves - l'endroit où je vis actuellement - ne sais plus quoi faire de moi. Je vais bientôt avoir dix-huit ans, et je n'ai toujours pas eu de maître Permanent, c'est à dire un maître chez lequel un esclave est resté au moins un mois. L'année dernière, j'ai battu mon record : je suis restée chez mon maître treize jours, un exploit en ce qui me concerne. En fait, le Centre des Esclaves ne m'aime pas. Car quand un maître m'achète, il faut que je reste un mois, sinon le Centre me rembourse. Ce qui, évidemment, ne leur fait pas plaisir. En vrai, je les plains un peu. Après tout, ce n'est pas de leur faute si je déteste obligatoirement mon maître, et ce avant même qu'il ne me parle. Ce n'est également pas de leur faute si je suis une esclave. Je le suis parce que mes parents l'étaient. Quel belle héritage ! Mais ce n'est pas non plus de leur faute. Le seul responsable, c'est le premier Empereur, la personne que je déteste le plus - mise à part l'Empereur actuel, peut-être. Je le haie car il a effacé toute une civilisation, détruisant tout ce qui ne lui plaisait pas.

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La Prophétie des deux mondes
FantasyElisabeth vit dans un monde régit par un Empereur faisant régner la terreur sur ses sujets. Elle est esclave et passe sans arrêt d'un maître à un autre, car elle est tout bonnement incapable d'obéir à un ordre. Mais après un bref séjour à l'Enclus...