Guerriers

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J'avais l'impression que tout se passait au ralentis.

Je vis Joe passer la main sous son manteau tout en avançant vers moi, l'air plus que déterminé à m'ôter la vie. Sur ma gauche, je vis Vincent se préparer à intervenir si Joe tentait quoi que ce soit ; simplement, il n'aurait pas le temps d'intervenir. J'en étais plus que persuadée.

La seule personne qui n'avait pas l'air de se rendre compte de ce qui allait se passer – ou qui s'en fichait, qui sait – était Lara,qui continuait à dorloter son poignard comme s'il était son bien le plus précieux.

Et au milieu de toute cette agitation, je me retrouvai incapable d'agir. La peur me tétanisait totalement, et la seule chose que j'arrivais encore à me demander, c'était comment Vincent avait rencontré ces étranges personnes, alors qu'il était pourtant évident qu'ils n'avaient rien en commun.

Je revins à l'instant présent en moins d'une seconde lorsque Joe sortit finalement l'arme qu'il cachait. Je n'en avais jamais vu de pareil : elle pourrait ressembler à une épée, mais elle avait l'air bien plus maniable et légère ; Joe mit ses deux mains sur le pommeau en cuir tressé, et malgré le danger imminent, je ne pus m'empêcher de me dire que cette arme datait d'avant l'Empire.

Joe s'arrêta à trois pas de moi – ce qui fit que l'extrémité de la lame ne se trouvait qu'à quelques centimètres de mon visage.

- Je vais te le redemander, l'humaine, siffla Joe d'une voix chargée de haine. Comment as-tu été en possession de ce témoignage ?

J'étais tentée de l'envoyer balader avec une réplique sarcastique dont j'avais le secret, mais l'épée de Damoclès que je sentais flotter au-dessus de ma tête m'en dissuadait.

- Je l'ai trouvé, me contentai-je donc de répondre, sans pour autant donner de détails.

- Où ? S'impatienta t-il. Une esclave dans ton genre n'aurait jamais dû trouver ça.

- Il était sous un lit, chez un de mes anciens maître.

Techniquement, ce n'était pas un mensonge.

- Il y en avait d'autres ? Me pressa t-il. Te souviens-tu de quel maître il s'agissait ?

- Non, il n'y avait que celui-ci. Et j'ai eu bien trop de maîtres pour me rappeler de celui-là.

Ceci, par contre, était un mensonge. Mais il n'était pas question que je raconte ce qui c'était passé chez ce maître à une personne qui menaçait de me tuer – ou à qui que ce soit d'autre, d'ailleurs.

- Tu en es sûre ? Dis-toi bien que ta réponse peut te sauver la vie, alors ne me raconte pas n'importe quoi pour faire ta maligne.

Je pris une grande inspiration, en m'interdisant de penser à la douleur que je ressentirai en sentant la lame de cette étrange arme entrer en contact avec ma peau.

- Sans vouloir te vexer, Joe, dis-je sarcastiquement, je n'ai aucune confiance en toi ; alors n'essaye pas de me faire croire que tu ne me tueras pas si je te dis ce que tu veux entendre. On sait l'un et l'autre que tu n'en penses pas un mot.

Ses mâchoires se serrèrent sous la colère, et je vis du coin de l'œil son bras droit tenant l'arme se reculer pour prendre de l'élan.

- Ça suffit, maintenant ! Hurla Vincent en poussant Joe avec force, ce qui lui fit perdre l'équilibre. Qu'est ce qui te prend ? Tu penses vraiment que ça va nous aider, de la tuer ? Reprends-toi, bon sang !

Joe se redressa, l'air plus menaçant que jamais ; mais cette fois, sa colère n'était pas dirigée vers moi.

- Tu ne vois donc pas qu'elle essaye de nous dresser les uns contre les autres ? Répliqua t-il en fusillant Vincent du regard. Elle était à l'Enclus, bon sang ! Tous les esclaves ayant eus un séjour là-bas deviennent des monstres. Tu t'es fait avoir.

La Prophétie des deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant