Chapitre 3 - Roy

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- Carl va vous accompagner, Teresa, déclaré-je en prenant la tasse de café qu'elle a pris soin de me préparer comme chaque matin.

Noir, sans sucre.

Elle secoue la tête en nettoyant l'îlot.

- Non Monsieur, je peux prendre le métro.

Ma gouvernante ne veut jamais déranger et préfère se débrouiller par ses propres moyens. C'est tout à son honneur, mais je m'y oppose. Surtout quand elle doit se rendre à l'hôpital à l'autre bout de la ville pour un examen. Il est hors de question qu'elle se fatigue inutilement.

- Vous rigolez, j'espère ! m'insurgé-je.

- Je ne suis pas en sucre.

Ses épaules frêles se secouent sous les soubresauts que provoquent son petit rire.

- Ça me rassurait, lui expliqué-je en contournant le gros bloc en marbre.

Elle termine d'essuyer une assiette tout droit sortie du lave-vaisselle avant de la ranger dans le placard.

- J'imagine que je n'aurais pas le dernier mot, sourit-elle en retirant son tablier.

J'opine et j'appelle Carl afin qu'il se prépare.

Teresa Williams fêtera ses cinq ans de travail au sein de cette maison dans deux mois. Son entretien a été des plus rapides. Je me souviens comme si c'était hier. J'avais rencontré plusieurs personnes avant elles, mais aucune ne m'avait convaincue malgré leurs CV plus qu'impressionnants. A son arrivée, quelque chose a changé. L'ambiance était apaisante et chaleureuse. Sa voix était d'une douceur extrême, ses yeux emplis de joie. Son parfum à l'extrait de rose embaumait tout le penthouse. Des petits détails qui m'ont mis en confiance, je me sentais en sécurité. Parce qu'elle me faisait penser à ma mère, la première femme de ma vie. Elle me manque terriblement. Depuis que j'ai quitté l'Italie - à mes dix-huit ans - pour mes études j'y suis retourné cinq fois. En dix ans c'est peu. Beaucoup trop. J'ai vu dans son regard, dans ses gestes, ce qui me manquait. Alors, je l'ai engagée.

- Je tiens trop à vous pour vous laisser vous infliger le métro new-yorkais, lui confié-je en époussetant la manche de ma veste.

C'est trop grand, trop bruyant, trop sale et trop bondé.

Teresa est une petite douceur, un trésor qui mérite d'être chérie. Je lui dois bien. La femme qui prend soin de ma fille comme la sienne.

- Vous ressemblez beaucoup à mon mari, me confie-t-elle un voile de mélancolie tapissant ses yeux gris.

- Un bel homme, j'imagine.

Il n'est plus de ce monde, alors j'essaye l'humour. Ce n'est pas mon fort, mais je prends exemple sur mon ami, Caleb, afin de ne pas rendre l'atmosphère lourde et chargée en émotion. Je suis toujours mal à l'aise dans ce genre de moment.

Ses lèvres s'ourlent en un sourire sincère.

Mission réussie.

- Pour sûr ! Vous savez ce qui m'a fait tomber amoureuse ?

Je secoue la tête, curieux.

- Sa gentillesse.

J'acquiesce en soufflant sur les volutes qui s'échappent de ma tasse de café.

- Nous nous sommes rencontrés sur les bancs de l'école, j'avais quinze ans et lui dix-sept. On se moquait de moi parce que mes parents étaient de simples ouvriers. Je n'avais pas beaucoup de vêtements et le peu que j'avais étaient usés par le temps. Un jour, alors que je rentrais des cours, Oscar m'a attendu et m'a raccompagné chez moi. Il m'a fait la promesse que plus jamais personne ne se moquerait de moi, et c'est ce qui s'est passé. Je n'avais plus la boule au ventre et plusieurs fois par semaine mon Oscar m'offrait une nouvelle tenue.

Last HopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant