2. Mêlez-vous de vos affaires

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Quelques secondes plus tard, j'arrive devant le Rainbow's World. Une Pâtisserie de Capitol Hill, le quartier LGBT de Seattle. On y fait de tout, mais la boutique est surtout réputée pour ses cupcakes multicolores. Je pénètre dans le salon et un coup d'œil sur l'horloge murale m'informe que j'ai cinq minutes de retard. Je salue, d'un geste de la main, nos habitués qui sont au comptoir et m'engouffre sans tarder dans les vestiaires. J'y dépose rapidement mes affaires et enfile mon tablier. Je sursaute lorsque mon dos percute la poitrine de mon patron, Malcolm. Je me retourne gênée par mon manque de ponctualité. Non. Pas par lui. On a dépassé ce stade depuis les vomis et les tirages de cheveux à l'orphelinat.

— Je suis désolée, je rattraperai mon retard, m'excusé-je avant qu'il ne me réprimande.

— Oui, s'il te plaît. Tu me dois déjà tant d'heures, se moque-t-il.

Je lève les yeux au ciel et tente difficilement de nouer mon tablier. Mes mains sont bientôt remplacées par celles de Malcolm.

— Tu fais déjà assez d'heures comme ça, Char'.

Je grimace quand il prononce ce petit surnom. Je n'ai jamais aimé qu'il m'appelle comme ça, même à l'orphelinat. C'est d'ailleurs pour ça qu'il le fait. 

— Tout va bien ? me demande-t-il concerné. Ça ne te ressemble pas d'être en retard.

— Oui, j'ai croisé Miss Rose..., éludé-je.

S'il savait que j'ai tenté d'être sympa avec une armoire à glace, il se moquerait encore de moi.

— Comment vont ses chats ? plaisante-t-il.

—Ne te moque pas trop d'elle, ce sera moi plus tard.

­— C'est sûr que...

Il termine de nouer mon tablier et je me retourne pour le gratifier d'un regard noir l'invitant faussement à poursuivre. Il perçoit ma menace et préfère jouer la prudence en ne finissant pas sa phrase.

— Si tu veux, avec Jamie, on peut te présenter quelqu'un, me propose-t-il avec assurance.

— Non, c'est hors de question, merci ! Et arrêtez avec ça ! Je suis en retard, je n'ai pas le temps pour ces conneries.

Je coupe court à ses manigances en le poussant pour tenter de sortir du vestiaire. Mais il me barre la route de son bras.

— Ton patron ne t'en voudra pas.

— Son associé, si.

— Le patron détendra l'associé.

Son sourire salace ne m'échappe pas et une grimace de dégoût s'affiche involontairement sur mon visage. Je ne sais pas feindre, je suis lisible par n'importe qui, mais surtout par lui et Jamie.

— Fais pas cette tête, le monde n'est pas vierge, s'offusque-t-il.

Je soupire et le regarde, blasée. On va réellement parler de ça, à dix heures du matin ? Je mets les choses au clair, je ne suis pas vierge... Mais imaginer celui qui est comme un frère pour moi au lit avec mon meilleur ami ne me laisse pas forcément de marbre.

— Allez, un dernier double date ? me supplie-t-il en revenant au sujet que je voulais désespérément clore.

— Tu perds ton temps.

— Et j'essaye de t'en faire gagner. L'horloge tourne. Tic-tac-tic-tac.

Mes yeux suivent son doigt qui se balance de droite à gauche. Puis je secoue la tête en réalisant ce qu'il vient de me dire.

— J'ai tout juste vingt-cinq ans, me vexé-je.

— Pour l'instant, mais si tu persistes à rejeter les mecs qui n'aiment pas les mêmes choses que toi...

Dernier souffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant