3. L'affaire Cupcake

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Je suis dans ma salle de bain en train de me préparer tout en chantant à tue-tête et de façon plutôt déchaînée sur du Miley Cyrus. Oui, si ma menace n'était à la base qu'une plaisanterie, le coup du cupcake m'est un peu resté en travers de la gorge. Et voilà trois semaines que je réveille mon voisin de ma voix mélodieuse et pleine de justesse. Deux ans de solfège et de chorale m'auront peut-être servi à quelque chose, finalement.

Si on rajoute à l'Affaire du Cupcake – oui, cette affaire mérite un nom – le fait qu'il m'évite comme si j'avais la peste ou le choléra, au choix, mon désir de vengeance n'est pas près de s'essouffler. Disons qu'à chaque fois que je me calme, je le croise et il fait un nouveau truc qui m'énerve. Du coup, le lendemain, mon volume augmente encore un peu plus. À ce rythme-là, dans une semaine, je réveillerai tout le quartier.

J'enfile ma robe à fleurs vintage et retiens mes mèches bouclées à l'aide d'une barrette. Un simple coup de fard à joue pour illuminer mon visage plutôt pâle et me voilà prête. J'évite de trop maquiller mes yeux d'un bleu presque translucide, parce que sinon j'ai l'air d'une égarée d'asile, les yeux hagards. Prête à partir, j'attache mes sandales tout en terminant ma tasse de café et coupe ma stéréo, un sourire satisfait sur le visage. Je caresse Snape qui boude depuis le début de ma vendetta, non sans continuer à chanter a capella, et quitte mon appartement.

The seven things I like about you, Your hair, your eyes, your old Levi's

— Tu vas nous l'embêter encore longtemps ce pauvre garçon ? se moque Miss Rose quand j'arrive à son étage.

Une véritable commère. Elle ne loupe pas un seul de mes passages et me fait le compte rendu des allées et venues de notre cher voisin depuis une dizaine de jours. Elle a dû remarquer qu'il m'évitait et s'est sûrement fait un film sur lui et moi.

Je hausse les épaules et continue ma descente.

Dehors, le temps est ensoleillé, ce qui est plutôt rare à Seattle, alors j'en profite pour me balader et m'arrêter dans quelques boutiques pour faire du repérage. Les commerçants du quartier me connaissent bien maintenant. Je dois y vivre depuis au moins six ans, je pense. Mon bac en poche, j'ai rejoint Malcolm qui avait ouvert sa boutique deux ans plus tôt. Il est un peu le grand frère que je n'ai jamais eu. Les premiers mois, lui et Jamie m'ont accueillie chez eux puis j'ai rapidement pris mon envol.

Malcolm est arrivé bien après moi à l'orphelinat. Moi, on pourrait dire que j'y suis née, mais lui avait neuf ans quand il s'est retrouvé orphelin. Sa mère était morte en couche et son père, pompier, est décédé lors d'un incendie. Il n'avait aucune famille et a donc été confié à l'orphelinat Saint Matthews.

Je me souviens de son arrivée, je bavais littéralement sur lui. Il était bien plus grand que moi et tellement arrogant. Enfin, aujourd'hui, je sais que ce n'était que de la colère. Malcolm détestait tout le monde et se battait sans arrêt. Il n'y a que moi qu'il traitait différemment.

Quand il a eu dix-huit ans, il a quitté l'orphelinat et, grâce à l'assurance vie de son père, il a pu ouvrir sa première boutique. Un an plus tard, il rencontrait Jamie, revendait son commerce et Rainbow's Word voyait le jour.

Le tintement de la clochette de l'entrée annonce mon arrivée. Jamie est déjà là, un grand sourire aux lèvres.

— Tu es parfaite ! s'exclame-t-il en tapant dans ses mains.

— Euh... merci, réponds-je hésitante.

D'accord, Jamie est généralement un garçon étrange, mais là... Je l'observe, fronce les sourcils et instinctivement ma tête se penche sur le côté.

Dernier souffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant