28. Jerry

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Je suis derrière le comptoir et ne lâche pas des yeux Malcolm qui est d'humeur massacrante. Il est désagréable envers les clients et si ça continue comme ça, le salon devra bientôt fermer ses portes. Je n'ose pas lui parler, lui demander si je peux l'aider. Je connais une partie de sa douleur. Si j'en crois ce que m'a dit Jamie, il a accepté que Dean ne soit pas son père, pourtant à voir comme il se comporte, ça l'a tout de même affecté. Cet évènement a réveillé une douleur profondément étouffée.

— Mal', l'appelé-je alors qu'il nettoie la même table depuis bien cinq minutes.

Jamie, à mes côtés, se raidit. Je sais pourquoi. Il a peur que Malcolm explose ici, devant les clients. J'ai aussi beaucoup de peine pour lui, il se sent impuissant face à ce que traverse son petit ami. Chaque fois qu'il cherche à lui parler ou à se montrer attentionné, Malcolm le rejette. 

Ce dernier se retourne et me regarde, agacé. Je ne détourne pas les yeux, je me tiens droite.

— Dans ton bureau ! Tout de suite ! ordonné-je en prenant les devants.

Vas-y, secoue-le ! m'encourage ma cheerleader.

J'avance d'un pas rapide, traverse le couloir. Déterminée, je pénètre dans la pièce et prends place sur son bureau. Il ne tarde pas à me rejoindre. Les épaules voûtées, il sait qu'il n'y échappera.

— Maintenant, tu vas te ressaisir, attaqué-je d'emblée. Jamie compte sur toi, le Rainbow's World aussi et ce ne sont pas les seuls.

— Charleen...

— Non, le coupé-je, sachant pertinemment qu'il s'apprêtait à se justifier. Oublie le passé, tu as une vie maintenant, avec nous.

Oublie cet homme qui ne se souviendra jamais de toi. Oublie-le et reviens-nous.

— Sinon, rentre chez toi, ajouté-je. Ni Jamie ni moi n'avons besoin de ton aura dévastatrice. Tu nous files des frissons dès que tu passes derrière nous.

Je sais que je suis cruelle, mais c'est comme ça que nous avons toujours fonctionné. Quand il devient morose, je le bouscule. Quand c'est moi, il m'amuse. Je pourrais essayer l'humour avec lui, ça ne fonctionnerait pas. Rien ne marche, si ce n'est la provocation. Je crois percevoir du soulagement quand nos regards se croisent enfin.

— Je reste ton patron, me dit-il sereinement.

— Alors montre-le-moi.

Je passe devant lui et lui claque une bise sur la joue.

— J'ai juste une baisse de régime, me dit-il avant que je ne passe la porte.

Je hoche la tête et aperçois, au bout du couloir, Jamie qui regarde nerveusement dans notre direction. Je me tourne vers mon ami qui me fait face.

— Tu as Jamie. C'est lui ta famille.

Malcolm jette un œil par-dessus mon épaule et, ému, plante ses yeux dans les miens.

— Je sais... Merci, Char'.

Je secoue la tête en lui adressant un sourire doux pour qu'il comprenne qu'il n'a pas à me remercier.

Lorsque je retourne auprès de Jamie, celui-ci me regarde inquiet. Je le rassure d'un mouvement de tête puis il soupire soulagé et retourne à la préparation de sa boisson chaude. Pauvre Jamie.

Peu à peu, Malcolm a retrouvé le sourire et le reste de la journée s'est passé dans le calme et la bonne humeur. Depuis que l'épée de Damoclès qui était au-dessus de ma tête a disparu, j'apprécie encore plus mon quotidien, mon travail ici, mes amis. Ce matin, Elijah m'a accompagnée et il s'est officiellement présenté à mes amis. Pour être honnête, moi et ma cheerleader étions en mode groupies folles amoureuses. Je me prends à rêver du futur qui nous attend. Je me vois bien me faire escorter tous les jours par mon ange de la mort.

Dernier souffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant