Le chant de la pluie

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Plus les entrainements passèrent, plus Ansel et moi devînmes compétiteurs. Il finit par devenir capitaine, car l'entraineur laissa l'équipe voter. De plus, il les connaissait mieux que moi.

L'entraineur commençait à voir que nous ne nous entendions pas, ce qui rendait l'organisation des matchs difficile.

- S'il vous plait, dit M. Lazic, je vais faire l'appel.

Nous attendîmes tous impatiemment dans le bus. À côté de moi se trouvait Tori.

M. Lazic nous appela un par un. Une fois qu'il sut que nous fûmes tous présents, le bus démarra.

L'université que nous allions visiter se trouvait à quarante-cinq minutes de route. Tori et moi dormîmes tout le trajet. Le temps à l'extérieur était maussade. Tout le matin, la pluie ne faisait que tomber puis s'arrêter.

Une fois hors du bus, nous fûmes répartis en groupe.

- Mettez-vous avec votre groupe de la semaine dernière.

Génial. Carson et Ansel.

Tori et moi nous cachâmes sous un arbre pour éviter la pluie. Il ne pleuvait pas des cordes, mais je ne voulais pas être mouillé.

- Okey, dit Carson en se mettant devant nous et frappant dans ses mains. Tori et... Ryan.

- Tu gères pour te rappeler des prénoms toi, grogna Tori.

Tori porta la main à son visage, exaspérée. Ansel regarda avec insistance.

- Suivez-moi, dit la fille au polo vert et une queue de cheval. Quels sont vos noms ?

- Tori.

- Ansel.

- Carson.

- Reid.

J'entendis Carson dire dans sa barbe « ohhh »

- D'accord, moi c'est Michelle. Je vous accompagnerai à vos ateliers. Suivez-moi.

Ansel passa à côté de moi en grognant. Je levai les yeux au ciel. Je ne savais même pas pourquoi ce gars me détestait. Il avait de la compétition et ça y est... Et puis même, on était dans la même équipe ! Moi, je ne l'aimais pas car c'était un con.

Il devait être fils unique.

- Aujourd'hui, on va faire trois ateliers différents, puis on écoutera un discours de Brandon Kurtson. Anciennement professeur, il revient chaque année pour parler d'écologie.

Le premier atelier fut si long. Ils furent tout de même interactifs et pédagogiques. Le premier faisait penser à Question Pour Un Champion, et nous dûmes répondre à des questions de biologie. Ensuite, nous visitâmes un laboratoire (nous vînmes des bactéries), puis nous fîmes une dernière activité qui sembla juste combler le temps qu'il nous restait.

Nous faisions le puzzle d'une amibe de 350 pièces. Jusque-là, aucun groupe ne l'avait encore fini.

- Allez les gosses, essayons de faire mieux que les autres, dit Tori en s'agenouillant au sol et éparpilla les pièces.

- Appelles moi gosse encore une fois toi, grogna Ansel.

- Ok le vieux, dis-je en allant m'assoir à côté de Tori qui ricanait discrètement.

Les deux s'installèrent face à nous, de l'autre côté des pièces.

- Ok, commençons, dit Tori.

Elle commença par retourner toutes les pièces. Contrairement à un puzzle classique où tu trouvais la moitié d'une main sur une pièce, et que tu devais trouver l'autre moitié sur une autre pièce, avec une amibe, c'était bien plus compliqué car ce n'est qu'une tache de couleur couverte de quelques points et d'autres trucs. Seulement la forme des pièces permet de savoir où les apposer.

Carson attrapa les pièces puis les fit tomber. Tori essaya d'assembler les pièces, et ne regardait pas ce qu'il se passait autour d'elle.

J'essayai de me dépêcher, mais dès qu'Ansel le vit, il fit de même. Nous nous retrouvâmes tous les trois - compétiteurs acharnés – à faire la course à qui sera le meilleur. Carson, avec ses deux pièces assemblées, fut à la traine.

Sans lever les yeux, Ansel dit à Carson sarcastiquement :

- T'as l'air de gérer Car.

- Il est débile cet atelier.

- Il ne reste plus que dix minutes avant le discours, dit Michelle.

Tori leva les yeux pour regarder où nous en étions.

- Aller, aller les gars, vous pouvez le faire !

- Détends-toi, répondit Ansel.

- Shh ! Tori dit à Ansel. Vous pouvez assemblez vos pièces maintenant.

- C'est mieux si on fait ça à la fin et on...

- Non, maintenant, dit-elle sans nous regarder. Ça sera plus simple pour voir l'image complète.

- Ohh, celles-là s'assemblent avec les tiennes, dit Carson en déplaçant ses trois pièces assemblées vers les siennes.

J'assemblai mes pièces ensembles, et Tori essaya désespérément de finir le puzzle.

Nous parvînmes enfin à le finir, deux minutes après la fin de l'atelier car Tori avait supplié Michelle que nous restassions pour qu'elle puisse le finir. Ensuite, nous marchâmes à travers le campus pour nous rendre à la conférence. Nous nous assîmes sur les fauteuils du fond, puis un homme commença à parler sur la scène.

Après avoir été assis pendant un moment, je regardai l'averse tomber derrière la grande fenêtre se trouvant à l'arrière de l'amphithéâtre. Je ressentis une grosse fatigue en moi. Je la connaissais trop bien. Je respirai doucement par la bouche et par le nez. J'essayai, je réfléchis. Parfois, mon humeur changeait soudainement sans aucune raison. Même si je sus que ça ne marchait pas, j'essayai de m'en débarrasser avant qu'elle n'empirât.

J'attrapai mes boules quies dans mon sac et les glissai dans mes oreilles. Le sujet m'étant d'un grand intérêt, je savais que je devais écouter, mais je n'en eus pas la force.

La conférence sembla durer une éternité. Arriva enfin le moment où tout le monde applaudit, mais je restai inerte. Sur le trajet du retour, Tori remarqua mon épuisement, alors elle ne tenta pas de converser. Cela me fit de la peine, mais je fus trop fatigué pour parler.

Tout le trajet, j'écoutai la même musique en boucle, ainsi qu'a la sortie du bus, et dans mon autre bus. Je n'eus pas la force de changer de musique, alors je fixai le paysage défilant devant mes yeux, la pluie glissant sur la vitre.

Par chance, lorsque je rentrai à la maison, elle fut vide. Alors, je montai directement dans ma chambre. Je ne pris même pas le temps de ranger mes affaires que je fus déjà étalé sur mon lit.

Mes sauts d'humeur étaient de plus en plus fréquents, c'était épuisant. Chaque année, pendant deux semaines, voir un mois, j'avais des sauts d'humeur.

Changer d'humeur constamment, entre le bonheur, l'espoir, puis la dépression, s'en foutre de tout : cela me prenait toute mon énergie. Parfois, je me sentais capable de tout, et puis quelques instants plus tard, je me retrouvais noyé dans mes pensées, rien qu'à l'idée de devoir faire une machine. Étrangement, une si petite corvée affectait mon humeur pour le reste de la semaine, jusqu'à ce qu'elle soit réalisée.

Pitoyable.

Je n'avais aucun contrôle dessus. Les cachets n'aidaient pas. Ils transformaient la tristesse en un vide total. Le seul remède était un petit pique d'adrénaline.

Voler : voilà un bon moyen de l'obtenir.

Bien sûr, j'eus pu aller faire du sport. Mais l'idée de me lever pour aller courir autour d'un terrain me semblait horrible. 

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