Chapitre XI, Alice

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Je sens que cette situation va être pire que les consultations à l'hôpital toutes les semaines. Au secours, je sais que je ne vais pas tenir. Il est 18h01 et je suis assise sur l'un des bancs devant la porte de notre "établissement" top secret, mon cul! C'est une blague? Alors pour résumer, on est en guerre, confinés sous terre, mon frère a piqué une crise de colère (ce qui ne lui était jamais arrivé de sa vie), les jumeaux sont hors de portée, mon établissement n'a que 5 putains d'élèves, TIM fait partie d'eux (bordel, Tim, le seul gars qui m'a fait rire, pleurer, aimer , et que je n'arrive pas à oublier, DANS MA CLASSE??!), et notre classe est CLASSEE TOP SECRETE PAR L'ETAT POUR FAIRE DE NOUS DES ESPIONS? SANS QUE NOS PARENTS NE SOIENT AU COURANT? Mais j'ai plus qu'à me jeter sous les rails!

Nous attendons. Tout le monde est gêné. Nous avons passé la journée à faire des tests de théorie sur la physique, les maths, la chimie, même la BIOLOGIE? Et les élèves en filière littéraire? On va se faire foutre? Tout ça pour mentir à notre famille car sinon nous la METTONS EN DANGER? Nous avons testé nos allergies, à la pause de midi, alors le repas composé de noix, de lait et de toutes sortes d'eaux vitaminées ayant le goût des chiottes du lycée, je recommande pas. Je vais mourir, si je ne me réveille pas de ce mauvais rêve. Mais ça n'arrivera pas. La rousse m'a marché sur le pied tout à l'heure et je l'ai BIEN senti. 

-La prochaine fois, j'ai mes écouteurs, juste pour te le dire, me glisse Eliott.

Il m'énerve quand il fait ça. Il SAIT que je suis agacée, malgré mon visage de marbre, et il fait tout pour ne pas me froisser, ce qui renforce mon énervement. 

-Moi, aussi, t'inquiètes, je réponds, sèchement.

C'est super long d'attendre. Personne ne parle, c'est super gênant. AU SECOURS, PITIE FAITES QUE QUELQUE CHOSE SE PASSE!!!

Comme si le destin se fichait de ma tête, un rat surgit du tunnel du métro et sprinte en évitant nos pieds pour se glisser sous le quai. Super, comme distraction, merci. Heureusement, le métro arrive. On est tous soulagés. Tout le monde s'asseoit à distance des autres. Même Eliott et moi, on s'évite. Le trajet se passe plutôt rapidement. Les autres descendent dans l'ordre opposé, logiquement, et on arrive bientôt à notre arrêt, à Eliott et moi. Ca y est, je me poste devant la porte, et Eliott me suit. Le métro s'arrête et on descend. A notre surprise, plus personne n'est là dans l'arrêt. Les jumeaux étaient censés nous attendre! On commence à paniquer. Le métro repart et nous nous retrouvons seuls dans cette immense "gare", si on peut appeler ça comme ça. Enfin, seuls, c'est ce qu'on croyait au début. Eliott pointe du doigt un endroit au bout du quai. J'ai des frissons quand j'apperçois le moustachu de ce matin nous épier, un juleau à chaque main... 

-Coucou! lancent les enfants.

Le moustachu sourit. Eliott et moi sommes tétanisés. C'est quoi ce bordel? Le moustachu nous regarde toujours fixement. Eliott est le premier à réagir. Il commence à avancer, lentement, puis accélère. Je décide de l'imiter. Hors de question que notre frère et notre soeur se fassent kidnapper sous nos yeux! Nous arrivons à leur niveau, et, prise d'une soudaine pulsion, je m'écrie:

-Bas les pattes, sale moustachu! Lâche-les immédiatement!

Il me sourit encore, ce sourire terrifiant me glace le sang. Puis, il les... lâche? Hein?

-Pas besoin de s'énerver, les enfants, fait-il d'une voix très grave. Je suis de la sécurité et j'ai remarqué ces deux petits, tous seuls, dans la gare. Ils m'ont dit qu'ils attendaient leur frère et leur soeur. Je n'ai fait que mon devoir.

-Oui! renchérit Corentin. Le monsieur est resté avec nous pour vous attendre! Il est gentil.

-Pas sûr de ça... marmonne Eliott.

Le moustachu fait comme s'il n'avait pas entendu.

-Alors, les enfants, fait-il de son air faussement rassurant, je vais vous ramener chez vous, pour être sûr que votre frère et votre soeur ne fassent pas de bêtises...

Il me regarde droit dans les yeux en disant ça. Qu'est-ce qu'il raconte celui-là? Les jumeaux ont naïvement complètement confiance en lui. Parce qu'i porte un uniforme? Honnêtement, de mon côté ça me ferait ressentir le contraire. Je ne fais plus confiance aux forces de l'ordre. Je prends la main de Lucie et commence à avancer vers le tunnel qu'on a suivi ce matin. Eliott prend celle de Corentin et me suit. L'homme avance plus vite que moi et arrive rapidement à mon niveau. Il me regarde fixement, comme pour me dire que je ne lui échapperai pas. J'ai peur, même si je n'ose pas l'admettre. Le trajet semble durer une éternité. Je sens le regard du moustachu sur moi et l'angoisse d'Eliott. Personne ne parle, même pas les jumeaux. On arrive bientôt devant notre porte. Je me mets alors à chercher mes clefs dans mon sac. 

-Bon, et bien, ce n'était pas si loin, finalement, fait le moustachu, toujours de sa voix grave. Je suis bien heureux qu'Alice et Eliott ne vous aient pas raconter de bêtises, les enfants, ha ha.

Je me paralyse. Il n'avait pas dit nos noms jusque là. C'est à ce moment que je réalise. Je sais que les jumeaux ne lui ont pas dit. Il nous connait. Il sait d'où nous venons. Il est là pour nous mettre en garde. Ce n'est pas "raconter des bêtises" que nous ne devons pas faire. C'est parler de notre journée. Dans quel établissement nous sommes. Je sors enfin les clefs et les fourre dans la serrure.

-Je vais vous laisser rentrer, alors, il faut que je sois à la maison avant 21heures, haha! Je suis sûr que tout va bien se passer et que vous ne ferez pas de bêtises, je suis certain que vos parents n'ont pas besoin de ça.

Je pousse la porte, laisse tout le monde rentrer et la referme immédiatement. 

-Alice, je peux te parler, s'il te plait? fait Eliott. 

-Oui, mais pas maintenant, je réponds. 

-Maman!! s'écrient les jumeaux en même temps.

Ma mère émerge de la cuisine. Elle a l'air épuisée. On dirait même qu'elle a pleuré. Je sens que l'ambiance ce soir va être agréable.


Sous nos piedsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant