Au dernier virage

Sama yakar Tass na way ! Ay Sama adouna yakouna ! répétait sans cesse une voix féminine dans la maison des Mbaye .
_ ça recommence , et jusqu'à quand devrions-nous nous replier rouspétait le vieux Fara  , un ancien douanier retraité qui habitait dans le village de pakha  . C'est un des octogénaires les plus respectés du quartier du fait de sa dévotion et son amour pour les autres . Mais cette fois, n'en pouvant plus de jouer à une continuelle médiation au sein d'une même famille et toujours pour les mêmes raisons, qui parfois sont sans importance , cette fois-ci c'était sans compter sur lui . Même la dame Couna , la vendeuse de légumes du coin qui joue à la perfection son rôle de commère a préféré rester écailler ses poissons . Le jeune Coundoul fraîchement venu de la france , serviette au coup , portable au prix exorbitant à la main( alors que sa cousine quémandait de quoi acheter une prothèse pour sa jambe), sans oublier une mentalité purement occidentale qu'il a emporté avec lui dénonçait un trouble anormal de voisinage au sein d'un milieu où ceux qui doivent maintenir l'ordre trouvent goût à l'anéantir.
Cependant, les cris devenaient de plus en plus intenses,perruques fourrées au sable, un bol plein de riz renversé et piétiné par des pieds dont la voix des propriétaires dans une monotonie fade pleuraient ensemble le nom de kadouche.
Ce fut un jour rempli d'émotions , de nature bagarreuse, ce jour là toute la famille pour la première fois pleurait la même cause , la perte d'un être cher .
Comme on dit , les nouvelles courent vite, voilà que même ceux qui avaient prévu de faire la sourde oreille se sont finalement joints aux cris.

Néanmoins tous les regards s'étaient braqués sur une seule personne non pas par curiosité mais par pitié. Partout c'était la même phrase : Que va t'elle devenir maintenant ?
Au Sénégal , lorsqu'il y'a un décès en un clignotement des yeux , la maison funèbre se voit remplie de monde , les parents viennent de partout. Si certains sont venus pour témoigner de leur solidarité, d'autres n'ont uniquement et n'auront d'yeux que l'histoire qu'ils entendent concocter pour pouvoir à la suite la raconter.
Les minutes s'égrenaient, la navette se faisait de plus belle mais , Yaye Fanta était ailleurs, yeux levés au ciel tout ce qu'elle a pu prononcer était bien < pourquoi seigneur ?> suivi toujours d'un ronronnement attestant son mal en point qui a finit par casser sa voix.
Cela faisait maintenant une semaine que Kadouche a rejoint moralement ses aïeules toutefois son corps était toujours indisponible pour des raisons de moyens financiers pouvant servir à couvrir l'assurance et l'envoi du corps .
Tout rêve suit inéluctablement un trajectoire ,n'est-ce pas tout simplement de la fantaisie ?
L'étrangeté de ce bas monde n'a point de limites .En effet ,à longueur de journée ,on se bat,on se bat à fond,on sacrifie même souvent ce qu'on aurait jamais cru être en mesure de délaisser .Atteindre son but pour ainsi concrétiser ses rêves ,semble aléatoire à la vie humaine ,et y parvenir susciterait que l'on s'arme et d'une abnégation et d'une maturité psychologique.
Mais là subitement ,on croit avoir emprunté une fausse piste . Oh que si , qqnos yeux nous mentent et notre cerveau  est complice . Il arrive parfois qu'une personne emprunte une longue route , une très longue route , seule sous la merci d'un soleil chaud .  Avec un Corps mouillé par une pluie torrentielle de sueur , des pieds réclamant justice à leurs égards,elle s'acharne à vouloir explorer cette lumière intense . Obsédée , la marche l'insatisfaisant, de plus en plus la personne découvrit en cours de route un talent d'athlète qui jusqu'ici lui était méconnu. Pour elle c'est un défi de parcourir cette route à travers laquelle y'avait les reflets de l'espoir ,du succès. Néanmoins, à chaque fois qu'elle avait cru  être arrivée à destination , la route redoublait de longueur . Mais son instinct de prédateur l'avait gagné, pour dire que tant qu'elle pouvait apercevoir encore sa proie, le verbe décourager restera à l'infinitif . Plus elle s'avançait, plus le mirage reculait . Là alors, yeux levés vers le ciel , front blanchi par le sel des rames de sueurs , complètement crevée, la personne commença à analyser.
Ainsi donc,très déçue , une fine larme  parcourait le long de sa joue . Là,il comprit finalement qu'il avait beau à courir, derrière cette chose, jamais il n'aurait parvenu à l'avoir.<< cette route reflète la routine de la vie. Une route à travers laquelle des projets devaient se poursuivre. Un chemin par laquelle, retourner la tête est un signe de faiblesse. Un trajet  qui fut l'espoir de toute une famille. Malheureusement une ruelle dont les voyageurs n'entendront jamais l'expression bienvenue à destination. Parce qu'en Réalité tout ce qu'on croyait voir était un bloc de mensonges déguisés en mirage.
Kadouche de son vrai nom Ndeye Khoudia Mbaye était une très jolie jeune femme , âgée seulement de vingt-trois ans. Une très courageuse femme qui s'est toujours montrée responsable, humble et surtout respectueuse envers ses aînés. Au-delà du fait que l'on ait reconnu à sa famille le titre de la famille la plus querelleuse et au sein de laquelle règne la loi de la jungle depuis que le vieux Macodé , le chef de famille était atteint de la maladie d'alzheimer , faisant qu'il ait confondu à plusieurs reprises ses quatre femmes avec ses propres enfants, Ndeye Khoudia était toujours la plus correcte . Elle alliait les études avec le travail pour aider sa mère et ses frères et sœurs. Toutefois,sa mère n'était jamais satisfaite , elle en demandait toujours plus .Très empathique,très petite déjà,elle suppléait sa grand-mère dans presque toutes les taches ménagères . De même,pour sa jeune sœur Ramatoulaye, elle s'est toujours assurée d'être la plus protectrice des grandes sœurs, tout compte fait la mère qu'elle n'ont plus .
Elle était la fille dont tout parent rêvait d'avoir. C'est le genre de fille que les filles souhaitent avoir pour amie et pour qui les garçons se disputaient pour avoir un salut . Tout le monde tombait sous son charme.Bien sûr avec une fille comme elle, on ne pouvait être que fière. Sauf que Yaye Fanta n'en avait cure,jusqu'au jour où une voix étrangère, cassée, tremblotante , à l'autre bout du fil , murmure à ses oreilles, le mot qui changera sa vie à jamais.