Une souris verte...

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Une lumière pâle, indescriptible, presque indiscernable et pourtant si proche. Elle occupe le champ de vision, chaude et rassurante, mais froide et menaçante à la fois. De plus en plus, seconde après seconde, minute après minute, heure après heure, elle bout dans tes entrailles. Les crissements hystériques et perçants des rats enfermés dans une cellule exigüe, se soumettant à un cannibalisme putride. Et cette odeur qui l'accompagne. Non. Tu les sens. Plusieurs d'entre elles. Le sang, la sueur, l'eau qui t'enveloppe jusqu'à la taille pour t'envelopper dans son étreinte malicieuse. Et cette pierre. D'un violet intense, envahissant, étouffant. Qui entre en contact avec ta peau telle une centaine d'épées te perçant le cœur. Déchirant tes émotions, ton âme à part entière.

Lazul se réveille en sursaut de son lourd cauchemar, qui le hante depuis quatre ans déjà. Il déplace la mèche de cheveux rebelle qui s'est glissée entre ses yeux, et essuie la larme à son œil gauche qui perle le long de sa joue. Il se lève et décide d'aller prendre une douche avant de sortir de son studio, bien trop cher pour la qualité de ce dernier mais ne restant aussi que le seul choix possible pour Lazul.

Maintenant prêt et habillé, il se met en route pour un café suffisamment proche de chez lui. Le premier sourire est pour lui une libération de ses douleurs nocturnes. La dame du café le regarde avec un regard tendre, presque maternelle. Elle s'avance vers Lazul, qui s'était posé à sa table favorite de ce charmant restaurant, très cozy, entouré de plantes s'élevant fièrement jusqu'au toit, tandis que diverses décorations simples se tiennent sur le bar et les tables, avec une timidité certaine. Lazul sent en cette atmosphère une apaisante satisfaction. Comme si le monde qui l'entoure disparaissait en un instant, le laissant dans cet espace vert et pur. Du moins jusqu'à ce que la serveuse arrive.

« Mon petit Lazul ! Que me vaut ce plaisir ? » demande la dame emplie de cette joie envahissante.

« Bonjour Madame Pradel ! Je voulais prendre mon café du matin, comme d'habitude. Comment allez-vous ? »

« Oh mais je vais très bien comme toujours mon petit merci beaucoup ! Je te donne ton café dans un instant. »

Lazul hoche de la tête en signe de reconnaissance, dirigeant à présent son attention vers l'extérieur du café. Ce monde, il avait toujours l'impression de n'être que cette petite abeille parmi une ruche de frôlons. 

Il l'effrayait, il détestait cela depuis aussi longtemps qu'il se souvienne. Son unique libération venait lorsqu'il pénétrait ce café à l'enseigne soigneusement nettoyée ou bien dans son appartement, aussi modeste et délabré soit-il. Ce monde avançait à cette vitesse incontrôlable, inarrêtable, c'est probablement cela qui le répugnait autant en y repensant pendant un moment. Une fois son café bu, il remercie grandement Mme. Pradel et s'en va vers le métro. 

C'est sans aucun doute le pire endroit pour rencontrer des gens. Et puis cette odeur. Cette sueur... Pourquoi ce souvenir se manifestait-il ? La panique l'envahit. Que faire ? Il revoit les images. Pourquoi tant de sang ? Un corps décomposé en face de lui fit un sourire morbide, ses dents manquantes tandis qu'un haut-le-coeur érupte en Lazul. Etait-il tout bonnement voué à vivre ? à mourir... Les images ont des sons à présent. Ce cri strident, déchirant la moindre parcelle de son audition. Une lame transperçant petit à petit sa carapace, sa seule protection émotionnelle. Des souvenirs trop longtemps cachés et sans accès, imperceptible. 

Cette bouteille de vin. Un château de Beauregard. Des larmes. Des cris. Le verre coupant ses pieds. C'est trop, Lazul ne veut que fuir. Mais comment faire ? Il ne voit que du noir. ET.... Cet homme. Ivre comme toujours. Dansant cette chorégraphie maladroite et perturbante. Violent comme toujours. Frappant au bon endroit comme toujours. Le bruit est maintenant insoutenable. Lazul ne peut rien faire à part crier.

Tout s'arrête alors. Lazul n'est plus dans le métro. Il est dans un parc, sur un de ces bancs verts qu'il trouve toujours ridicules et détruisant toute la beauté des parcs. Un jeune homme est assis devant lui, le dévisageant avec un air plus qu'inquiet qu'autre chose. Il porte un jean de basse qualité, possédant plus de trous qu'il ne pouvait y en avoir sur les genoux.

« Eh mec. » commence le jeune homme, d'une voix plus rassurante que Lazul pensait. « Tu te sens mieux ? Tu as fait une crise dans le métro, on a du te sortir de là avant que tu ne t'évanouisses ou que tu te fasses mal. »

« Merci.. Je me sens mieux. Je ne suis juste pas un grand fan des espaces avec beaucoup de monde. »

« Oh, je vois. »

Un silence envahi le parc. Pourtant, il n'était pas si désagréable. De toute manière, Lazul avait une sainte horreur des discussions triviales. Une perte de temps inconsidérable pour lui. Pas pour l'autre homme visiblement.

« Tu vas pouvoir te relever ? Tu trembles encore des jambes. »

« Oui ne t'en fais pas merci je vais rester un peu ici. Ce n'est pas comme si... »

Il n'eut même pas le temps de finir sa phrase qu'une explosion se fit entendre. Lazul hurle de surprise. Il regarde en direction d'où le bruit provenait, craignant qu'il puisse se situer à proximité.

C'est plus que ce que je craignais. Merde, il faut que j'appelle Stark.

Lazul fait volte-face vers le jeune homme, happé par la surprise.

« Tu connais Stark ? » demande-t-il, confus.

Cependant, il ne s'attendait pas à ce que le jeune homme lui lance un regard trouble d'une surprise mêlée à  la confusion.

« Quoi ? Mais comment as-tu... ? » Le jeune s'interrompt rapidement, demandant à Lazul de rester à l'abri pendant qu'il allait voir qu'est-ce qu'il se passait.

Lazul eut à peine le temps de dire quoi que ce soit, l'homme était déjà parti. Il se décide à s'enfuir et, alors que la peur lui emplit son cœur, il ne peut se résoudre à se mouvoir. Il ne veut plus... fuir ? Non, c'est ce qu'il voulait le plus... pas vrai ?

Des hurlements se font entendre. Serait-ce le jeune homme ? Est-il en danger ? Lazul devrait fuir. Maintenant. Et pourtant...

A suivre...

La lumière pâleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant