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J'ai merdé. Et en beauté. Pourtant, j'avais correctement appliqué ma mission. Observer. Tâter le terrain. Et ensuite passer à l'action. J'ai fait chaque étape minutieusement et je n'en ai négligé aucune. Et pourtant, je me suis trompée de fils. Putain de Moretti.

Je crois que je ne me suis pas fait disputer par mon père depuis le jour de mes douze ans. C'était mon anniversaire, et pour une fois, je voulais vivre une journée normale. Loin du noir et rouge de ma mafia, je voulais du rose, des paillettes et une journée que toutes les petites filles de douze ans rêvent. J'avais alors convaincu Nella, âgée de quinze ans à l'époque, de sortir en douce pour aller en ville et fêter comme il se devait mon anniversaire.

J'avais organisé mon plan et on l'avait suivi à la lettre. J'avais même pensé à voler de l'argent à ma mère pour qu'on puisse manger des glaces ! Tout se déroulait à merveille jusqu'à ce qu'une petite mafia de quartier choisisse d'attaquer le café dans lequel on se trouvait et décide de nous prendre en otage. L'enlèvement n'a duré que quelques heures puisque des soldats de mon père étaient dans les parages et qu'on a vite été retrouvées. Une fois rentrée, lorsque j'ai été face à mes parents pour m'expliquer, je crois que j'aurais préféré rester plus longtemps enlevée. La colère de mon père a été forte. Tout le manoir a dû l'entendre.

Aujourd'hui, je le comprends. Il avait eu peur et il devait me faire comprendre qu'il ne fallait plus jamais recommencer. À l'époque, j'ai piqué une crise et insulté sa mafia di merda puis j'ai pleuré pendant deux jours. Et ensuite la vie a repris son cours.

Nella m'en a voulu pendant un temps. Si le kidnapping ne m'a pas particulièrement marqué, nous étions à l'époque déjà très différentes. Elle vivait dans son monde, protégée par ma mère et le manoir, et je lui avais brutalement montré la réalité de l'extérieur.

Quelque part, je me dis que ça l'a endurcie. Une autre partie de moi me répète que ça n'aurait pas dû être de cette manière. Moi, contrairement à elle, j'ai toujours cherché à tout savoir et tout voir. J'écoutais les réunions de mon père, j'essayais d'esquiver les gardes pour observer les séances de torture, j'apprenais à me battre avec mes frères. Nella, elle, mémorisait ses cours par cœur et passait son temps avec les chevaux. Pour la faire courte, elle rêvait de licornes, je rêvais de dragons. Et la seule fois où j'ai voulu vivre avec les licornes, les dragons m'ont rattrapée et ont montré à Nella que le ciel n'était pas tout beau et tout serein. Je comprends qu'elle m'en ait voulu. Dieu merci elle m'a pardonné, je n'avais que douze ans. 

Mon père n'a pas été en colère contre moi depuis cette époque là. Même si l'enlèvement de quelques heures ne m'a pas traumatisée, il m'a assez bouleversée pour que j'ouvre les yeux sur la cruauté du monde. Il y avait eu des morts, ce jour-là, dans le restaurant. Des innocents, des enfants, des familles. Et mon impuissance m'avait remuée. Je pensais savoir me battre mais je n'avais ni été capable de me défendre, ni Nella. Depuis ce jour, je me suis promis de tout faire pour, si l'occasion se représente, être capable de sauver ma sœur. Et moi par la même occasion.

Alors je suis devenue un bon petit soldat. Mon temps se partageait entre mon éducation mentale et celle physique. Je ne voulais ni être impuissante de nouveau, ni décevoir mon père. Et j'avais réussi jusque-là. J'avais réussi jusqu'à ce que ce puttana de Moretti soit le mauvais fils.

Si mon père est énervé contre moi, il l'est encore plus contre Enzo. Il est espion chez les Rossi depuis plusieurs années et à aucun moment, il n'a su nous informer de l'existence de deux fils Moretti. Si nous étions dans une autre mafia, Enzo serait déjà mort à l'heure actuelle. La plupart des mafias marchent comme ça. Un pas de travers et c'est la mort qu'on embrasse. Ici, nous prônons le fait de se dépasser et de se racheter si erreur il y a. En fonction de l'erreur en question. Enzo ne sera pas tué. Mais son grade descend et il va devoir travailler d'arrache pied pour remonter dans l'estime de Don Gianni. Je ne me fais pas de soucis pour lui, il sait se montrer utile et par le passé a su nous donner des informations plus que fiables.

MAFIA : AMAREZZAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant