mattia

93 7 19
                                    

J'ai perdu connaissance, encore une fois. Et je ne sais pas où je suis non plus, encore une fois. Apparemment, sur mon front il y a écrit en gros « kidnappez-moi », puisque je ne cesse d'être trimbalé de partout comme un vulgaire prisonnier. Quelle vie de merde. Je ne me réveille jamais au même endroit, un coup je suis dans l'avion, qui m'éloigne de New-York, un matin je suis sur le sol italien, le suivant dans une cave, le jour d'après... Je ne sais même pas où je suis.

Je regarde autour de moi, et quel hasard, seule l'obscurité est présente. Je me demande si j'ai rejoint l'enfer, comme me l'a dit la Cuerestra. C'est cliché, s'il fait juste sombre en Enfer. C'est même décevant. Je m'attendais à une arrivée digne de ce nom, avec les pires personnes que j'ai croisées ou tuées, qui m'accueilleraient avec des grands « Bienvenue dans ta nouvelle maison... Ah non, tu la connais déjà, puisque ton père s'appelle Don Luciano Moretti. » Mais il n'y a personne pour me saluer ou me dire quoi devenir. Il y a seulement... du noir. Et des grognements. Des grognements ?

Je secoue la tête, une vague impression de délire, mais je prends conscience que je ne suis pas seul. Est-ce un chien à mes côtés ? Je sens un coup dans la jambe accompagné d'un vulgaire « putain » et je comprends que je suis en bonne compagnie. Ou pas. Je me décale pour lui laisser de la place, m'habituant peu à peu à l'obscurité de la pièce. Je discerne une silhouette à quelques centimètres de moi et à en croire les jurons que j'entends, je sais que celle qui me mène la vie dure depuis des jours et qui m'a surtout tiré une balle dans l'épaule, est encore là pour me torturer rien que par sa présence.

— Tu ne meurs jamais ? je lui lance.

— Toi non plus apparemment.

Je grimace et je sens la douleur s'éveiller de partout en moi : les blessures ouvertes brûlent, les plaies qui ne sont pas soignées me font serrer les dents et mieux encore, la balle coincée dans ma chair me donne envie de hurler. Mais je ne dis rien, je n'ouvre pas la bouche et je ravale ma souffrance. C'est mieux comme ça. C'est d'ailleurs la toute première chose que l'on m'a apprise, lorsque l'on m'a torturé, à peine âgé de douze ans : « Ne laisse personne voir que tu as mal, ils s'en serviront. Masque tes émotions et tu auras une chance de t'en sortir vivant. » Si je ne suis pas mort, je suppose que c'est grâce à ça.

J'entends ma camarade de cellule tenter de se relever mais retomber sur le sol illico, et je retiens un sourire et un petit « Bien fait, ça t'apprendra. » On est tous les deux dans le même bateau, et la seule chose qui m'inquiète, c'est que je ne sais pas qui commande ce navire. Et avant même de pouvoir poser la question à voix haute, la porte s'ouvre et laisse entrer un filet de lumière ainsi qu'une personne, qui nous domine de sa hauteur.

— Une Cuerestra et un Rossi, si ce n'est pas une belle pêche, lance l'homme avant de s'accroupir près d'elle.

Je suis ses gestes sans dire un mot, et je remarque que sa cuisse est bandée. Ont-ils vraiment pris le temps de la soigner ? Je porte ma main valide jusqu'à mon épaule et constate qu'un pansement est aussi déposé sur ma blessure. Au moins, je ne vais pas mourir maintenant.

— Tout se passe bien ? demande le type qui s'amuse à glisser ses doigts sur la jambe de mon adversaire, qui n'hésite pas à montrer son mécontentement.

— Enlève ta sale main de ma cuisse, siffle-t-elle.

L'homme à la voix grave s'approche alors de moi, et je le dévisage en essayant de savoir à qui j'ai affaire. Ni sa voix ni son regard ne me disent quelque chose. Je ne pense pas l'avoir déjà croisé, je l'aurais reconnu. Je n'oublie jamais les yeux des autres.

— Tu en prends pour ton grade toi, piccola tigre.

(*Petit tigre).

Je sais que nous ne sommes ni chez les Nero Cuerestra, et encore moins chez les Artigli Rossi. Mais cet homme, aussi impressionnant essaie-t-il de paraître, ne me fait absolument pas peur.

MAFIA : AMAREZZAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant