mattia

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Je ne vois rien, c'est ce que je remarque en reprenant conscience. Une migraine m'assaille à tel point que je peine à garder les yeux ouverts. Je n'ai pas de souvenir de ce qu'il s'est passé la veille, après... Après quoi, déjà ? J'ai dû tomber la tête la première sur le sol ou on m'y a jeté comme une vieille ordure, parce que chaque parcelle de mon corps braille de douleur. Mais c'est une bonne chose, cela signifie que je ne suis pas mort. Pas encore, tout du moins.

Je ne sais pas où je suis, l'obscurité m'empêche de discerner quoi que ce soit dans la pièce, mais il ne faut pas être Einstein ou mon père, pour deviner l'endroit où l'on m'a emmené. J'en ai souvent côtoyé, des cachots. Alors, j'essaie de me redresser, mais en vain, puisque des liens enserrent mes poignets et mes chevilles, afin que je ne leur fausse pas compagnie. Je soupire. S'ils pensent que ce sont de vulgaires cordes qui me retiendront ici, ils sont fous. Ou ignorants. Pour preuve, s'ils savaient qui je suis ou quel nom porte mon géniteur, ils ne me laisseraient pas en vie. Don Luciano en fait trembler plus d'un.

Mais je ne suis pas vraiment inquiet du sort que l'on me réserve ; j'ai été habitué à ce genre d'épreuves et d'exercices plus jeune. J'ai été élevé comme un soldat, j'ai enduré beaucoup trop pour angoisser. La douleur est futile, je sais qu'elle ne sera que temporaire et jamais pire que celle qui m'a éduquée jusqu'à mes dix huit ans. Ce n'est pas pour rien que je suis parti à l'autre bout du monde, pour ne plus subir les mauvais traitements des mafieux italiens. Ni pour finir ici, ligoté sur une chaise en bois.

— Il s'est réveillé ! s'exclame quelqu'un en ouvrant la porte.

Pas de sursaut, pas de soupir. Je regarde tant bien que mal la personne apparaître et d'autres se glisser dans la pièce, comme la dernière fois. C'était hier, c'est ça ? Je les écoute s'envoyer des mots avant de remarquer que l'un d'entre eux se tient déjà face à moi. Je n'ai le temps de relever la tête et d'échanger un regard avec lui que son poing rencontre ma joue. Je jure et le menace silencieusement, avant d'attendre le prochain coup.

Est-ce donc pour ça, que l'on a demandé mon retour soudain sur le sol italien ? Pour me tabasser à mort ? Merci l'accueil ! Je regrette amèrement d'avoir mis de côté la rancœur pour obéir à mon géniteur, qui ne s'est jamais comporté comme tel. Est-ce lui, qui trouve enfin le courage de me punir pour mon départ ? Connaissant l'égo des Moretti, je n'en serais pas étonné. Dans cette famille se cachent des monstres, le pire en est à la tête.

Pagherai per i tuoi crimini, piccola merda, j'entends, avant de récolter un énième coup, qui m'envoie rejoindre les étoiles.

(* Tu vas payer pour tes crimes, petite merde.)
***

Lorsque j'ouvre une nouvelle fois les yeux, j'ai l'impression de revivre le même moment. Ma joue me lance et la douleur se réveille trop rapidement à mon goût. J'ai à peine le temps de tenir des discussions tout seul que l'on vient m'interrompre, m'insulter et me rouer de coups. Encore. Je ne sais pas dans quel état je vais retrouver mon corps, mais ce ne sera pas beau à voir. Et si je les laisse faire sans broncher, je les maudis et je me jure de les étriper tous un par un pour chaque trace laissée sur ma peau.

Ainsi, les jours passent et les allers venues ne cessent. Ce ne sont jamais les mêmes personnes qui viennent me dire bonjour et m'ajoutent des blessures. Ce ne sont jamais les mêmes regards qui veulent me tuer. Certains soldats me donnent parfois de l'eau, seulement assez pour me garder en vie, mais jamais rien d'autre. Je ne sais depuis combien de jours je n'ai pas vu la lumière du soleil, mais rester assis et enfermé ici me donne la gerbe. Ou peut-être que ce sont les plaies infectées qui me font cet effet-là. Je vote pour la première option, elle me motive à garder espoir de sortir, mais avant ça, je veux continuer de les faire tourner en bourrique pour qu'ils me donnent des informations. Entre nous tous, j'en ai sûrement appris bien plus qu'eux, isolé dans cette minuscule pièce.

MAFIA : AMAREZZAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant