Les enfants de la nuit

Prologue

La lumière de la lune transperce les fins rideaux de coton et baigne l'appartement d'une lueur fantomatique. Tout semble gris à l'intérieur. Tout est calme.

Une main est posée sur le sol, au milieu de la pièce, la paume vers le plafond, complètement immobile. Au bout de cette main est couchée une jeune femme qui n'a probablement même pas 30 ans. Ses yeux sont clos, ses muscles détendus. À son visage, on pourrait croire qu'elle dort d'un sommeil paisible. Si l'on ignore la large tache sombre dans laquelle elle baigne et qui s'insinue lentement dans les rainures du parquet.
Les rayons de la lune rebondissent sur sa gorge découverte. Mais au lieu d'être blanche et lisse comme de la porcelaine, elle est crevassée, lacérée, ornée de longues estafilades fatales. Celles-ci remontent jusqu'à son menton puis courent le long de ses bras découverts jusqu'à ses poignets comme un cache-cœur en dentelle noire.

Il y a une autre femme un peu plus loin, dans l'ombre. Elle semble à peine plus âgée que la première et est à moitié allongée sur un canapé qu'elle mouille de noir. Ses yeux gris grand ouverts fixent le plafond depuis des heures déjà. Elle porte au cou les mêmes lacérations que l'autre, mais ses bras à elles sont couverts par de longues manches d'un tissu sombre.

Soudain une ombre fend la lumière de la lune. Une silhouette découpée dans la nuit se tient sur le balcon devant la fenêtre de l'appartement, presque immobile. Elle semble attendre quelque chose. Un instant plus tard, une autre silhouette la rejoint. L'une d'elle se retourne, offrant son visage à la clarté nocturne. C'est un homme sans âge aux épais cheveux bruns. Son sourire révèle une rangée de dents blanches et acérées. Un sourire de carnassier.
Il reste ainsi un moment, scrutant le ciel, puis lentement, se tourne vers l'autre. Il lui murmure quelque chose d'inaudible, puis en un claquement de doigts, les deux ont sauté du balcon et disparu dans la nuit