INFINI 1 Séparation

AMY

Mes parents ne vont pas tarder, je me dépêche de peaufiner le plateau d'apéritif que je leur ai préparé. Ce soir je vais jouer le rôle de la fille modèle de façon irréprochable. Tout est déjà installé sur la grande table de la terrasse, je vais leur offrir une super soirée d'été en famille dont ils ne seront pas prêts d'oublier. Pendant toutes ces années ils ont recréé sur un mensonge une famille parfaite. De mon côté je me suis contentée de suivre en me faisant toute petite, ne surtout pas faire de vague et en plus je l'ai fermé. Ils se sont moqués de moi bien trop longtemps. Même si j'ai des doutes sur l'implication de ma mère, cela m'est égal. Je lui en veux autant qu'à mon père donc ce soir ce sera à ma moi de jouer ma partition. Je me régale d'avance de la tête qu'ils feront sans parler de la colère de mon père quand il découvrira que finalement je me suis à mon tour foutue de sa gueule. Il va péter les plombs, je dois avouer que je trouve cela jouissif. J'entends leur voiture rentrer dans la cour, je me racle la gorge, me tiens droite mais ne trouvant pas ma posture naturelle, je m'assois en grignotant quelques amuse-bouches. En ce mois de juillet, il fait un temps magnifique, le soleil est haut dans le ciel bien qu'il soit un peu plus de 17 heures. Les fleurs dans le jardin fleurissent propageant leur odeurs délicates et sucrées dans l'air. Je pense à Thomas en me demandant ce qu'il fait en ce moment. A-t-il encore des souvenirs de moi ? de nous ? a-t-il tourné la page ? S'est-il déjà mis en couple avec une autre fille ? Toutes ces questions en tête, je sursaute à l'arrivée de mes parents. En découvrant la table dressée, ils sont agréablement surpris. Satisfaite de leur réaction, je rentre en scène, surtout qu'apparemment mon frère n'a pas vendu la mèche.

-bienvenue à la maison les amoureux.

Ils échangent un regard dû à la jovialité de ma voix, ne voulant pas qu'ils se remettent de leurs émotions, je me lève pour leur servir à boire et leur propose des petites bouchées, ma mère me sourit.

-en quelle honneur ?

-aurais-tu quelque chose à nous demander ?

Je porte mon poing à mon cœur faisant mine de me poignarder, en tournoyant sur moi et chancelante je tombe dans un fauteuil de jardin en riant.

-vous êtes horribles, je veux juste que nous passions une excellente soirée ensemble.

Mais mon père flairant un hic derrière tout ce débordement de bon sentiment, me scrute en s'asseyant près de moi.

-on t'écoute, dis ce que tu veux.

Comme je m'y attendais, la curiosité de mon père conduit la conversation exactement où je veux.

-en fait, j'ai besoin de votre aide.

Toussotant à l'unisson, ils se moquent de moi, puis mon père raconte à ma mère la conversation que nous avons eu plus tôt dans la journée, alors elle me demande.

-où comptes tu aller ?

-au Maroc...

Subitement surexcitée, ma mère me coupe la parole en me vantant ce pays, s'attardant sur certaines villes et endroits qu'ils ont visité en amoureux. Elle ne tarit pas d'éloge, commençant à la trouver barbante, je lui coupe la parole à mon tour sous le regard moqueur de mon père.

-je pars avec Nora et mon petit-ami.

Ce fut le mot magique, tous les deux me dévisagent interdits, mine de rien, je reprends mon verre en les lorgnant du coin de l'œil. Ils sont tous les deux tombés à pieds joints dans ma manœuvre, je me délecte de leur crédulité.

-tu as un petit-ami ? émet ma mère d'une voix hésitante.

-bah oui, pourquoi ? lui répond-je, d'un ton détaché.