En média : Peter Gabriel – Solsbury Hill
Pour un concours dont le sujet était : « Chaleur étouffante ». 4000 mots maximum.
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Nous évoluons sur la côte ensoleillée – les nuques cuisent – à pas précis et prudents. Le sentier serpente entre les buissons et les herbes en un long corridor incliné. Tout est sec et craque sous les pieds. L'état de sécheresse dans la région n'en finit plus, au désespoir des agriculteurs, des gardes forestiers, des pompiers, et des propriétaires de piscine qui aimeraient les remplir après les sauts répétés de leurs enfants.
Notre file indienne maintient une bonne allure qu'interrompent quelques pauses. Il faut bien s'arrêter pour regarder le paysage – les plus honnêtes annonceront devoir souffler. Nos corps sédentaires ne sont plus habitués aux efforts durs et prolongés. Notre sueur et nos halètements se manifestent pour nous rappeler que notre précieuse mécanique nécessite d'être maintenue en mouvement. Marcher dans la nature fait du bien mais encore faut-il lui résister. Le vent nous souffle avec vigueur tandis que les cigales nous encouragent – les plus honnêtes diront qu'elles chantent un vacarme pénible que n'apaise qu'un verre de je ne sais quoi.
Une fois arrivés aux alentours du phare, des baraques grossières et abandonnées. Sur leurs murs en crépi : des déclarations d'amour, des tags vulgaires, et les effets du temps. Nous continuons pour arriver au bord de la falaise. L'immensité de la mer s'impose à nous de toute son étendue mouvante. Nous nous sentons petits – évidemment – et l'horizon nous fuit là où l'eau et le ciel se rencontrent.
L'altitude. La profondeur. Le grand fascine et effraie les petits êtres que nous sommes. Ces dimensions et ces masses inertes qui nous ont précédé et qui nous succéderont, que nous parcourons pour les raisons qui nous importent. Peut-être envions-nous leur robustesse et leur indifférence à l'égard de la marche du monde.
Quelles créatures marines serions-nous ? Des baleines trainant leur lourde masse dans une tranquille marche ? Des dauphins souriant par-dessus les vagues ? Des bulots recroquevillés dans leur coquille ? Des crabes aux mains trop grandes pour se gratter le nez ?
Nous voulons piquer une tête. Nous voulons plonger nos têtes bouillantes dans cette grande marmite, gesticuler comme des homards, et nous laisser porter par les flots.
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Anthologie
PoesiaDes poèmes et des textes courts. Pour chaque texte, une musique en média qui m'a inspiré ou qui appuie le propos. J'aime expérimenter et me donner des contraintes qui sont mentionnées en fin de texte. Raoul Awards 2020 : Raoul du Meilleur texte poét...