Chapitre 8 - Hugo

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En arrivant sur la terrasse, un linge éponge autour des hanches, j'hésite sur la direction à emprunter. D'un côté, j'ai entendu l'équipe parler de faire un sauna, et la perspective me tente bien. Mais de l'autre je n'ai pas envie d'imposer ma présence dans un endroit où je n'ai pas été convié. Mon coeur balance entre les deux options. Peut-être que faire un pas en direction de mes collègues pourrait rétrécir le fossé qui s'est creusé entre nous ?

Décidé à m'intégrer, je prends la direction d'un chalet en bois à quelques mètres de la maison. J'avoue que je ne sais pas si je serai courageux au point de franchir la distance lorsqu'une bonne couche de neige recouvre le sol en hiver. Aujourd'hui, heureusement pour moi, le sol sous mes pieds a été réchauffé par le soleil.

J'entends les rires s'échapper du sauna. Mon humeur redevient joyeuse et un sourire vient de nouveau prendre place sur mon visage pendant que je me douche avant d'entrer. Lorsque j'ouvre la porte pour me joindre à eux, l'ambiance change du tout au tout et un silence de plomb s'abat dans l'espace confiné. Mon regard passe sur tous les visages que je côtoie depuis des années pour certains, mais je n'y lis aucun sentiment amical. De la stupeur, de la surprise et même du mépris... Ma place n'est clairement pas ici. Je me demande ce qui m'a poussé à vouloir m'inclure au sein de leur groupe. La vapeur devient soudain étouffante, et le malaise m'envahit.

Je bredouille une excuse avant de sortir de l'endroit. Je prends une profonde bouffée d'air frais pour tenter de me calmer. Pourquoi un tel accueil ? De là à ne plus bouger, à ce qu'aucun d'eux ne fasse un pas dans ma direction... Je ne me rendais pas compte d'être mis à l'écart de manière si radicale. J'avais conscience d'être tenu à distance, mais la violence de leur indifférence tout de suite est asphyxiante.

D'un pas chancelant, je m'éloigne d'eux. Jamais, jusqu'à aujourd'hui, je n'avais remarqué cette distance entre nous. Pourtant, nous enchaînons les voyages ensemble. Comment est-il possible de tels comportements ? Le reste du monde se conduit de la même manière à mon égard ? Les personnes d'ici ont-elles pitié de moi qu'elles acceptent de partager du temps avec moi ?

Les idées s'embrouillent dans ma tête et je me sens plus seul que jamais. Est-ce une bonne idée de continuer tout ça. Je ne me sens pas bien... À cet instant, je rêve de m'éloigner de tous ces faux semblants. Je me précipite jusqu'au lac, jette ma serviette sur le ponton avant de courir pour plonger. Avec de grands gestes rageurs, je nage le plus vite possible pour mettre le plus d'espace entre moi et ce monde qui ne me convient plus. Impossible pour moi de garder la face dans de telles conditions. Les larmes s'échappent, se fondent instantanément dans le lac. Je ne fais pas attention à la température de l'eau, ni à l'espace parcouru pour fuir. Je sais que cela ne sert à rien, je devrais y retourner tôt ou tard. Cependant, une chose est certaine, à mon retour en France, je vais demander à changer d'équipe. S'il le faut, je quitterai l'agence de mon père. Leur rejet est bien trop douloureux à encaisser. C'est pourtant un acte répétitif dans ma vie. Si je regarde en arrière, je n'ai jamais eu ma place nulle part. La prise de conscience écorche mon âme, et il est légitime de me poser la question de mon utilité ici-bas.

Peut-être pourrais-je disparaître et cela rendrait service à tout le monde...

Mes muscles commencent à brûler et je me demande si je ne devrais pas réfléchir plus sérieusement à cette possibilité. Je ne compte pour personne, je fais pitié, et aucune âme ne recherche ma compagnie...

Mes yeux brûlent d'avoir déversé tant de rage. Je m'arrête et fais du sur-place pour observer les alentours. C'est inutile car je suis incapable de savoir de quel côté je suis parti. Et puis ma vue est troublée par les larmes qui ne tarissent pas. Je devrais regagner le rivage pour demander de l'aide. Ou me laisser couler au fond, ici...

A l'aube de la nuit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant