Chapitre 7 - Mat

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Comment on vit...

Ces paroles sont douloureuses à entendre et à en croire le silence qui règne autour de la table, nous sommes tous du même avis. Je pensais ne pas avoir eu beaucoup de liberté durant mon enfance, mais comparé au résumé de l'enfance d'Hugo, nous avons eu une jeunesse facile.

— Nous allons faire de toi un saami d'adoption.

— Matias a raison, nous allons rattraper tes lacunes culturelles, valide Keijo.

— Bon, on a assez embarrassé Hugo pour ce soir, vous ne pensez pas ? intervient Aija.

Nous acquiesçons tous, puis dirigeons notre conversation sur les activités à prévoir les prochains temps pour faire découvrir à notre hôte les trésors dont regorgent la région. Seulement, nous sommes tous d'accord pour lui plus que la partie touristique qu'il découvre avec son équipe.

Je n'en reviens pas de la facilité avec laquelle ma sœur l'a percé à jour depuis son arrivée. Ce soir, autour de cette table, Hugo partage une bière avec nous, en toute simplicité, alors que son équipe le traite comme quelqu'un de fragile. Dans son récit, j'ai ressenti sa détresse quant à sa situation et ce dont on l'a privé lorsqu'il était enfant. C'est tellement cruel de gaspiller ainsi une vie. Il n'a pas atterri à Inari par hasard, et je suis résolu à lui montrer ce que c'est que d'avoir des amis.

Je descends les escaliers pour rejoindre la cuisine, à la recherche d'une tasse de café. Mon sommeil a été agité. Je ne sais pas pourquoi Hugo s'est invité dans mes songes. Il m'a touché, hier soir, et je n'ai pu m'empêcher de repenser à cette profonde solitude qu'il éprouve. Mon entourage a toujours été là pour moi. Il est difficile de penser qu'il puisse en être autrement pour d'autres. Je ne sais pas ce qu'a traversé Hugo durant sa vie pour en arriver là aujourd'hui, mais cela n'a pas dû être simple. Nous allons tenter de l'intégrer au mieux parmi nous.

D'ailleurs, il faut que je prépare mes affaires pour partir pêcher aujourd'hui. Je ne sais pas si les filles vont nous accompagner ou non... Je sais qu'Aija n'est pas très friande de ce genre d'activités et nous avons pour habitude d'y aller entre hommes. Mais peut-être voudront-elles venir avec nous aujourd'hui ? Nous verrons bien. Nous avons deux barques à disposition de toute façon.

Je rassemble mon matériel et sort aussi celui de mon père, encore emballé dans les affaires dont nous ne nous sommes pas débarrassés après leur décès. Nous avons bien fait puisqu'il va servir aujourd'hui. Si nous nous sommes séparés de la majeure partie de ce qui leur appartenait, il reste tout de même quelques affaires.

Les équipements sur le dos, je rejoins la barque devant la maison puis rame jusque chez ma sœur. Tout le monde est déjà prêt, sur le ponton. Comme je le pensais, ni Kyllikki, ni Aija ne montent sur l'embarcation.

— Il faut bien quelqu'un pour tenir la maison, se justifie Aija.

Elle préfère largement parcourir le lac en traîneau l'hiver ou chaussée de ses patins. Mais elle n'est pas fan des bateaux. Kyllikki évoque la solidarité féminine, mais la pêche est une activité beaucoup trop calme pour cette femme débordante d'énergie. Elle m'informe qu'elle s'occupera d'aller promener ma meute avec Aija un peu plus tard. Aucun souci à avoir, ma soeur et ma meilleure amie aiment autant les animaux que moi, et nous nous rendons souvent service pour nous occuper des animaux des autres.

Une fois tout le monde installé dans l'embarcation, je me demande si elle va tenir avec quatre grands gaillards comme nous, mais elle a déjà connu pire.

J'actionne le moteur et nous nous éloignons du rivage pour nous aventurer sur l'eau calme du lac. Je connais le coin comme personne pour avoir sillonné les moindres recoins durant ma jeunesse. Isaac et Keijo m'ont souvent accompagné et nous avons découvert des endroits merveilleux au milieu des nombreux îlots dont regorge le lac.

A l'aube de la nuit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant