Chapitre 10 - Hugo

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Inspire, expire...

Voici les mots que je me répète depuis une demi heure. De retour dans ma chambre, j'ai filé vers la salle de bains, et mon corps a rejeté le peu de choses qu'il y avait encore dans mon estomac. Maintenant, j'observe l'homme qui me fait face dans le miroir. J'ai envie de lui coller mon poing dans la figure... Je me dégoûte. Voilà tout ce que je m'inspire, du dégoût et de la répugnance... Pas étonnant que les autres ne m'accueillent pas au sein de leur groupe, que je n'ai aucun ami, ni même aucune famille.

Et dire que je pensais que tout allait bien dans ma vie. Enfin tout... Avant que je ne les vois, eux...

C'est exactement ce qui a révélé ce malaise que je ressens. En arrivant en Finlande, j'étais fatigué. Aujourd'hui, je suis exténué. Pas uniquement mon corps qui lutte chaque jour pour avancer, mon esprit se retrouve confronté à des observations que je me bornais à ne pas remarquer jusqu'ici. Mais comment concevoir que de parfaits étrangers passent plus de temps avec moi, que ceux que je considérais comme mes amis ?

Plus je me pose de questions, plus il m'est difficile de comprendre et surtout, le constat est violent. Il est si douloureux que cette partie de moi que je pensais protégée et intacte, préservée au sein de ma propre équipe, s'en voit complètement anéantie.

Toute ma vie est ainsi tissée de mensonges douloureux et de cachotteries incessantes. Est-il encore possible d'avoir confiance ? Quand je repense à nos hôtes, nos guides et leur ami, je me demande si la chance d'être ainsi entourée me sourira un jour. Ou suis-je condamné à errer seul, au milieu des masques de faux sourires et des courbettes de politesses destinés à m'approcher d'assez près pour se servir de moi...

C'est sidérant de reconnaître à quel point l'humain peut être sournois.

Et pourtant... Lorsque la réalité éclate, les milliers de piques acérées viennent nous érafler de toute part. Quelques-unes, cela reste supportable, mais assénées toutes d'un coup, cela vous met à terre.

Mes épaules sont soudain prises d'un tressaillement ininterrompu, et je sens de l'eau couler sur mes mains. Mon regard se reporte sur mes phalanges blanchies sur le bord du lavabo, s'y agrippant comme si ma survie en dépendait, comme si en lâchant cette vasque en céramique, je perdais aussi mon ancre. En revanche, je ne m'attendais pas à voir ces gouttes d'eau tomber dessus. D'où viennent-elles ? Je relève les yeux pour croiser mon reflet dans le miroir. Les paupières gonflées, le regard rougi, les joues aussi inondées que mes mains, les larmes ne tarissent pas et continuent de s'écouler dans un flot incontrôlable.

Je ne m'étais même pas rendu compte que je pleurais.

Pourtant...

Je me sens si inutile et misérable... Mais c'est à ce moment précis, que le plus dur se manifeste. Si même moi, je suis incapable de croire en moi... Qui pourrait le faire à ma place ? Maintenant que je n'ai plus personne sur qui m'appuyer... La chute est dure, le chemin est escarpé, mais pourquoi me focaliser sur l'état de mon corps après m'être pris les pieds dans une racine ?

Il me reste trois semaines à endurer, ce n'est rien à l'échelle d'une vie. Ensuite, il sera temps pour moi de prendre les décisions qui s'imposent. Aujourd'hui, je n'ai pas d'autre choix que de faire ce pour quoi je suis ici. Je peux décider de profiter ou bien me laisser aller et me morfondre. Une certitude s'impose pourtant. Il va falloir que je prenne sur moi. Comme si je venais de prendre conscience que le poids sur mes épaules était en plomb. Lourd, compact, difficile à porter... mais j'y arriverai. Ce n'est qu'une épreuve supplémentaire dans ma vie.

J'allume le robinet de la douche et attends patiemment que l'eau prenne une température décente. Après le bain plutôt froid du début de soirée, l'inverse me fait davantage envie. Je me glisse sous le jet et pousse la chaleur à son maximum supportable. Si seulement la vapeur pouvait dissiper mes pensées moroses et me révéler une éclaircie derrière ce voile opaque qu'est ma vie... Le savon capture dans sa mousse la douleur de mes dernières réflexions. Ici, elles sont inutiles. Mis à part me faire du mal alors que je ne peux pas vraiment agir, il est indispensable de les éloigner pour quelque temps.
Je songe à ma fuite, ce geste désespéré et irresponsable réalisé un peu plus tôt... Ce sont les personnes rencontrées en dernier qui sont parties à ma recherche. Et je les ai remerciées avec une remarque acerbe et cruelle. C'est vraiment ainsi que je traite ceux qui se soucient de moi? Les excuses seront indispensables. Surtout auprès de Matias. Il ne méritait pas ce que je lui ai lancé au visage.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 02, 2023 ⏰

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