Chapitre 4 - Hugo

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Surpris par la proposition de Matias, je fixe notre guide.

— Je ne suis pas certain d’avoir le temps dans mon planning de ministre pour une telle expédition.

Ses pupilles vertes ne quittent pas les miennes. 

— En as-tu envie ? Le reste n’est qu’une question de logistique. 

Il a raison, j’aimerais changer un peu de quotidien, et cela passe nécessairement par un changement dans mes habitudes. Une excursion avec Matias pourrait s'avérer intéressante et distrayante. Nous ne nous sommes toujours pas quittés du regard. Son sourire amical vient à nouveau s’afficher sur son visage et avec soulagement, je le lui rends. Il ne me l’adresse pas seulement parce que je suis “Hugo”, mais parce qu’il est content. Il ne mesure pas vraiment la portée de son expression. Jamais je n’avais eu en face d’expression si pure. 

— Hugo, tu t’es perdu ?

La voix stridente d’Emma nous provient depuis quelques mètres plus bas. Le charme se rompt immédiatement. Je ne peux pas définir ce qu’il vient de se passer entre nous, mais j’ai bien l’intention d’aller creuser pour ressentir à nouveau la plénitude de l’instant partagé.

Une fois rentré, je pense à notre guide du jour, et des images bien moins chastes me parviennent. Homme ou femme, pour moi, peu importe, l’important, ce sont les sensations que nous ressentons. Mais ici, dans un pays dont je ne connaîs pas les mœurs, je ne m’aventurerai pas sur une piste aussi glissante, sans être certain des désirs de mon partenaire. Mais voilà un défi que j’accepte de relever avec plaisir. Et il me facilite la tâche en me proposant des virées tous les deux la nuit. Cependant, il est important que je garde en mémoire que nous allons travailler ensemble durant un mois, et que si cela se solde par un échec, nous serons amenés à nous revoir de toute façon. A l’inverse, si l’attraction entre nous est réciproque, je serais frustré de ne pas profiter de cette alchimie au maximum. Il va donc falloir que je sois stratège et que je trouve un maximum d'occasions de partager du temps avec lui.

Chacun reprend ses activités, et j’ouvre mon téléphone pour faire une ou deux stories pour mes abonnés. Le lac est un cadre parfait pour leur donner envie de voyager à mes côtés. Après avoir répondu à quelques commentaires, regardé les publications de mes collaborateurs, je range mon appareil. Les yeux perdus dans le vague, je n’entends pas Aija arriver. 

Elle me tend un verre d’eau que j’accepte avec plaisir. Puis, au lieu de s’en aller pour vaquer à ses propres occupations, elle reste près de moi. Ses yeux rivés sur l’horizon et l’astre du jour qui décline lentement.

—  Ici, les saisons ont toutes un charme particulier. Si l’été, le soleil ne se couche jamais, en hiver, nous ne le voyons pas. Les journées s’allongent et se raccourcissent à une vitesse fulgurante mais c’est aussi ce qui fait la beauté de notre région.

J’écoute attentivement ses explications. Elle aime sa terre natale. Elle y tient et cela se ressent dans ses paroles. 

— L’hiver, le lac est gelé, les activités sont bien différentes. Les balades se font en motoneiges ou en chiens de traîneau et l’horizon n’a plus de contour, comme si la nuit ouvrait le champ des possibles.

— Je suis allé à Stockholm l’année dernière, c’est similaire, je suppose.

Aija pouffe, et secoue la tête négativement. 

— Non, pas du tout. Les climats sont différents, mais j'imagine que pour le reste du monde tous les pays nordiques se ressemblent. N’oublie pas qu’ici, tu es presque au bout du monde.

Sa phrase me fait sourire. Mais je réalise qu’elle n’a pas tort dans ses réflexions. Comme si nous disions en France que les climats de Strasbourg et Perpignan étaient similaires alors qu’il n’y a moins de huit cents kilomètres qui les séparent. La distance entre Stockholm et ici doit avoisiner le double. Je lui concède :

A l'aube de la nuit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant