Le mois de février avait été ensoleillé, et mars le fut tout autant. Je passai les vacances de printemps à traîner avec Yoyi et Ruggero sur le campus, puis chez les parents de Yoyi à la fin. Nous en profitâmes même pour passer chez Mechi.
Je trouvais étrange qu'elle ne semble pas savoir ce qui s'était passé entre Yoyi et l'ex de sa s½ur, mais je ne lui en parlai pas. Ce que Yoyi m'avait révélé était très personnel, et même si j'étais vraiment curieuse de découvrir ce qu'elle connaissait de l'affaire, je ne voulais pas prendre le risque de trahir la confiance qu'il m'avait accordée.Surtout que j'avais eu un nombre incalculable d'occasions de m'ouvrir à lui. J'avais beau me rabâcher de me montrer honnête, je n'arrivais tout simplement pas à cracher le morceau. J'étais terrifiée rien qu'à l'idée de me confier à lui. Je recevais toujours des textos et des appels anonymes, au moins deux fois par semaine, et je consultais mes e-mails le moins souvent possible. À plusieurs reprises au cours des deux derniers mois, j'avais failli répondre à un SMS. Ou à l'un des e-mails.
Comme avec Yoyi, je préférais faire comme si de rien n'était au lieu de prendre le problème à bras-le-corps. Je détestais cette facette de ma personnalité, la haïssais vraiment, car elle me forçait à fuir plutôt qu'à affronter la réalité.
Alors que l'hiver commençait à libérer de son étreinte glaciale ce petit coin de l'État et que le dégel débutait, Yoyi tentait de choisir entre rentrer chez lui pour ce long week-end de la mi-avril ou rester à paresser ; pour sa part, Facu passa le déjeuner à essayer de convaincre Mechi de l'accompagner à quelque activité de jardinage collectif.
Mechi noya ses frites dans une masse de mayonnaise. Ruggero la regarda faire, une moue dégoûtée déformant son visage parfait. Elle s'en fichait éperdument.
- Il est hors de question que je passe mon dernier week-end de quatre jours à planter des marguerites.
- Ce ne sont pas des marguerites, soupira Facu. Je te parle d'un jardin botanique fait de merveilles et d'amour.Yoyi était attablé à côté de moi. Il dissimula son ricanement en enfouissant la tête dans mon épaule. Je me contentai de me cacher derrière ma main.
- C'est tellement mielleux. (Mechi enfourna une frite blanche de mayo, arrachant un gémissement révulsé à Ruggero.) Je vais plutôt passer ces quatre jours à végéter.
- Tu préfères te transformer en concombre ou égayer ton âme ?Les épaules de Yoyi se mirent à tressauter.
- Je crois que je vais opter pour le brocoli, répliqua Mechi.
Ruggero finit par arracher son regard à l'assiette de Mechi et se tourna vers Facu.
- Tu es sérieux ?
- Oui ! (Il abattit les deux mains sur la table.) Pourquoi ne pas recouvrir le monde d'une multitude de fleurs de toutes les couleurs ?Je le contemplai fixement.
- Tu es défoncé ?
Facu prit un air outragé... pendant deux bonnes secondes.
- Peut-être un peu.
J'éclatai de rire en me tournant vers Mechi.
- Tu devrais l'aider à cultiver son petit jardin.
Elle ricana.
- Aide-le, toi.
- Oh, non. (Yoyi releva la tête et me caressa la jambe, juste au-dessus du genou.) Elle est à moi pour tout le week-end. Pas de petit jardin pour elle.
- Sauf si elle s'occupe de ton petit jardin, suggéra Facu.Je levai les yeux au ciel.
- Classe.
- J'ai pourtant bien cru que vous faisiez des plantations hier soir, intervint Ruggero en écartant la réserve de mayo de Mechi. À en juger du moins par les bruits qui émanaient de la chambre de Yoyi.
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