Chapitre 4

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Reprenant connaissance brusquement, je crachais l'eau de mer que j'avais involontairement avalée, ainsi que mes poumons au passage, en pleurant à chaudes larmes. Sous mes doigts, la terre semblait s'effriter tandis que les vagues revenaient sans cesse me bousculer mais je n'en avais cure alors que ma trachée souffrait sous la brûlure de la toux et de l'eau. Une vague me fit tomber la tête dans le sable et je me décidais enfin à m'éloigner de cette mer capricieuse en rampant tant bien que mal. Une fois suffisamment éloigné et que mon corps se fut enfin calmé de ses spasmes, je m'allongeais sur le dos, bras et jambes écartées, espérant ainsi reprendre mon souffle. Purée, j'avais vraiment la poisse ! Et dire que ma nouvelle vie avait à peine commencé et qu'elle semblait déjà s'acharner sur moi... Était-il possible que j'eusse un minimum de répit ?! Même dans mon ancienne vie, je n'avais pas autant frôlé la mort en si peu de temps et d'autant de manières différentes !

Au-dessus de ma tête, je vis des goëlarus tourner et virer en criant avec force. Je n'avais jamais remarqué que ces sales bêtes étaient aussi bruyantes mais bon, tant qu'elles n'essayaient pas de me becqueter, ça m'allait. Loin dans le ciel, elles me semblaient ridiculement petites mais je savais qu'elles étaient énormes et d'une magnifique couleur argentée. Je les avais déjà vu attaquer un villageois et je n'avais pas envie de subir le même sort que le pauvre bougre ! Il s'était fait tailladé par leurs becs acérés parce qu'il avait voulu les empêcher de manger la carcasse de l'un de ses boveaux. De vraies teignes ! Mouais, tout compte fait, j'allais peut-être bouger fissa, fissa. Pas envie de devenir leur quatre-heures !

Malgré mon corps lourd, je réussis à me lever péniblement et regardais autour de moi. La plage de sable blanc sur lequel je me trouvais laissait place à de la prairie vallonnée dont l'une des collines était surplombée d'une tour qui devait servir pour guetter les navires. Bon, au moins, je n'avais pas atterri sur une île déserte, c'était déjà ça. Rassuré, j'entrepris donc de rejoindre la tour afin de demander de l'aide aux personnes s'y trouvant. En plus, je commençais à sentir des tiraillements dans mon estomac et j'espérai que ceux qui étaient dans cette tour pussent me donner de quoi les calmer. Pour autant, je n'avais pas l'habitude de marcher dans du sable et mon avancée s'en fit ressentir, m'obligeant même à retirer mes chaussures remplies de sable pour marcher pieds nus. Cela ne suffit même pas à me donner une démarche assurée, me faisant ainsi ressembler aux hommes ivres qui sortaient de la taverne du Bon Corsaire à Torgavesti.

Lorsque je posai enfin le pied sur une terre plus ferme, je me dépêchais de remettre mes chaussures avant de les retirer aussitôt. Je détestais la sensation du sable accroché à mes pieds, écorchant ma peau à cause du frottement avec le cuir. Je pris donc un instant pour retirer chaque minuscule grain de sable qui m'importunait, assis sur un gros rocher qui se trouvait à côté. J'avais suffisamment de trucs qui me tombaient dessus alors si je pouvais m'éviter des blessures débiles, cela m'arrangerait ! Un petit rire sortit de ma gorge lorsque je songeais à l'image que je renvoyais aux habitants de la tour.

C'est pas ce que vous croyez, M'sieurs, Dames ! J'suis pas un type bizarre ni un maniaque de la propreté, je vous le jure !

Mouais, difficile à croire même pour le simplet du village ! D'ailleurs, il était plutôt étrange que personne ne fût venu à ma rencontre depuis mon arrivée. Les personnes censées protéger la tour de guet auraient dû me remarquer depuis un moment déjà mais elles n'avaient apparemment pas crû bon de venir voir qui j'étais et ce que je faisais là. Le malaise qui hantait le fond de ma poitrine depuis mon réveil s'accentua en même temps que mes doutes. Je voulais me convaincre du contraire mais... quelque chose clochait. Et quoi de mieux pour éteindre ses doutes que de prouver qu'ils ne sont pas réels ?!

Sûr de ma réflexion, je repris ma route vers la tour, couchant les hautes herbes qui m'arrivaient jusqu'à la poitrine. Au détour d'un rocher, je tombais nez-à-nez avec ce qui semblait être un mouvin mais en version miniature, ce qui me fit pousser un petit cri. Ceux que j'avais vu jusqu'à présent mesuraient environ un mètre au garrot avec une fourrure bouclée ne laissant même pas apparaître leurs yeux et leurs longues oreilles frôlaient le sol au rythme de leurs pas. Totalement pacifiques et pas très énergiques, ces animaux étaient élevés pour leur fourrure et un peu pour leur lait. Là, la bête était moitié moins grande et la fourrure de son dos le faisait ressembler à une barrique tellement elle était fournie. Autre différence notable, deux grands yeux jaune à la pupille horizontale me fixaient avec une terreur non feinte. Si la bestiole en face de moi ne mourrait pas d'une crise cardiaque, c'était vraiment une chance ! Avec précaution, j'essayais de la rassurer en lui racontant des choses sans queue ni tête d'une voix douce. Cela n'eut qu'à moitié l'effet escompté car, rapidement, le mouvin s'ébroua et s'enfuit sans demander son reste avec un petit cri. Ouf ! Ce n'étais pas aujourd'hui que j'allais avoir un mort sur la conscience...

Les enfants d'OmiiyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant