Peu rassuré, j'osais regarder Sa Pénible Altesse mais j'hésitais entre me réjouir et désespérer de le voir aussi perdu que moi... Nous n'allions pas aller loin ainsi ! Pourquoi devait-il être aussi inutile ? Un rire carillonna, semblant venir de partout et nulle part à la fois.
— N'ayez crainte, voyons ! Tout va bien se passer ! Suivez les fradets, ils vous conduiront à moi !
A peine la voix eut-elle invoqué les fameux fradets qu'une multitude de graines lumineuses sortirent des fleurs en poussant d'adorable petits cris. Dans une danse semblable à celles des festivals, elles se mirent à virevolter autour de moi dans un défilé de couleurs et de parfums. Je ne savais pas vraiment ce qu'étaient réellement un fradet, mais nul doute qu'ils auraient pu me séduire avec leurs odeurs délicates au point de me faire faire n'importe quoi.
— Il va falloir sortir de là si vous voulez me rejoindre, rigola de nouveau la voix.
Surpris, je mis quelques instants avant de comprendre qu'elle ne me parlait pas directement mais que ses paroles étaient adressées au Prince. Ce dernier semblait particulièrement gêné, des fradets gigotant au-dessus de sa tête en pépiant de ce qu'il me semblait être de la colère. Ce fut avec hésitation et d'immenses précautions qu'il finit par se hisser sur le rebord, ses bras attirant mon regard par le délié de ses muscles. Mince, comment pouvait-il être aussi bien sculpté alors qu'il ne faisait rien de ses journées ? Dire que je n'arrêtais pas de m'échiner partout et qu'aucun semblant de muscles ne voulait montrer le bout de son nez ! La nature était vraiment mal faite parfois...
Un pincement de mon cuir chevelu me ramena à la réalité et je regardai qui avait bien osé faire cela. Je vis alors plusieurs graines de lumières gesticuler, m'invitant ainsi à les suivre. Un coup d'œil à mon compagnon de voyage et je vis que le même manège se produisait pour lui sans qu'il n'osât sortir totalement de l'eau.
— Ne vous inquiétez pas, je n'ai jamais mangé personne... Pas encore en tout cas !
Alors que j'allais esquisser un pas, je me figeais d'appréhension malgré le rire qui résonnait. Cela avait l'air d'être une bonne blague pour la voix mais, personnellement, je trouvais ça un peu flippant. Après tout, je ne savais pas de qui provenait la voix et il pouvait autant s'agir d'un bon ou d'un mauvais esprit. Le prince allait être l'excuse parfaite s'il ne daignait pas bouger son royal fessier !
— Je ne peux pas aller très loin si je n'ai pas un accès rapide à l'eau, avoua difficilement Son Altesse. Auriez-vous l'obligeance de bien vouloir venir nous rejoindre ? Il serait fâcheux que vous soyez obligé de venir me secourir pour une broutille comme cela.
Sérieux? Qu'est-ce que c'était comme histoire, ça encore ! Il avait bien réussi à venir jusqu'au temple de Variesta alors cette excuse était vraiment ridicule ! A moins que... Une image se forma devant mes yeux: Sa Détestable Altesse, couchée dans une grande baignoire alors que des porteurs le faisaient défiler dans la ville jusqu'au temple. Un rire passa la barrière de mes lèvres, m'attirant immédiatement les foudres du Prince.
— Je ne vois pas ce qui est drôle. C'est extrêmement handicapant !
— Oui, bien sûr, approuvais-je d'une voix amusée. Même si je pense que bouffer des gens bien vivants est plus handicapant que ça !
Le regard qu'il me lança aurait pu être une torche, tellement son intention de me faire la peau était présente. Visiblement, Sa Majesté n'appréciait pas mon humour. Je haussais finalement les épaules:
— Bien, bien. Sa Majesté le Prince ne peut apparemment pas venir jusqu'à vous. C'est possible que vous fassiez un geste en guise de bonne foi ?
La réponse ne se fit pas attendre et, malgré la douce intonation, les mots voulaient bien dire ce qu'ils voulaient dire.
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Les enfants d'Omiiya
Fantasi"Vivre, ce n'est pas se résigner" Albert Camus. Les humains les martyrisent, les dieux sont indifférents à leurs souffrances. Penser différemment fait peur mais naître différent des autres est terrible car le jugement ne se porte plus sur une idée m...