Le trajet jusqu'à la ville portuaire avait été monotone, ennuyant et terriblement long. Ahidan s'était plongé dans ses pensées une bonne partie du voyage même s'il avait quand même pris le temps de me présenter rapidement les endroits et villes stratégiques que nous traversions. Les paysages qui s'étaient dessiné derrière les vitres du fiacre reflétaient parfaitement la crise qu'avait subi les gens d'Osmerii à cause de la rudesse de l'hiver. Aussi fus-je surpris en apercevant les abords de la ville. Iernut était... surprenante. Bâtie en grande partie sur des marécages, les architectes avaient dû trouver une solution et l'avaient trouvé dans les pilotis. Iernut se dressait donc au-dessus du marais, fière et victorieuse. Ses maisons aux pierres blanches contrastaient étrangement avec la nature environnante d'un vert-marron profond et les différentes maisons de bois ou de paille que nous avions croisées jusqu'à présent. J'appris par Ahidan, qui s'improvisa guide, que la ville était essentiellement peuplée de riches marchands qui profitaient immodérément des bénéfices d'une grande ville portuaire et ce, sans égard pour les petits ports alentour.
Nous entrâmes dans la ville en début d'après-midi après cinq jours de voyage en fiacre et je fus surpris par la foule qui se bousculait dans les rues. Je ne comprenais pas la cause d'une telle cohue avant que Ahidan me la montre avec un petit sourire. Étals et échoppes de bois avaient trouvé leur place sur les parcelles sèches entre les pilotis, permettant ainsi aux personnes vivant aux abords de la ville de venir vendre leurs produits.
— Je t'aurais bien laissé flâner en quête d'un souvenir mais nous n'avons malheureusement pas le temps, me souffla Ahidan. Nous sommes attendus à l'auberge du Héron Cendré et j'ai suffisamment fait attendre cette personne.
Je hocha la tête et continua d'observer le va-et-vient des passants. Le cocher, un certain Igor, nous arrêta enfin devant la fameuse auberge et, après être descendu, je regardai impressionné l'homme guider son fiacre sur une pente pavée jusqu'à le garer en hauteur.
— Les boveaux supportent mal l'humidité surtout au niveau de leurs sabots qui pourrissent rapidement, m'apprit Ahidan. Alors pour pallier ce problème, les habitants ont construit ces plates-formes pour les préserver car ils restent les meilleurs animaux pour tirer les fiacres et les carrioles.
Je regardai, surpris, l'animal couleur caramel qui nous avait mené jusqu'ici. Pour moi, cet animal représentait la force brute avec ses belles cornes, ses pattes terminées par un sabot chacune et son corps musclé mais d'une incroyable finesse. Je n'aurai jamais imaginé qu'il fut sensible à l'humidité. Comme pour se moquer de moi, le boveau me regarda et secoua sa tête et sa queue pleine de crins d'un air bête. Vexé, je me détournai de cet animal ingrat et me précipitai à la suite d'Ahidan qui entrait déjà dans l'auberge.
Je refermais la porte derrière moi et analysais la pièce dans laquelle nous venions de pénétrer. Les tables étaient presque toutes occupées et une jeune fille habillée de vieux vêtements fripés se déplaçait habilement entre elles tout en évitant les mains baladeuses. Non loin de l'âtre, derrière son bar, un homme, probablement l'aubergiste, surveillait de près la demoiselle que je devinais être sa fille. A côté de lui, assis sur le comptoir, se tenait un bambin âgé de quatre ou cinq ans qui battait la mesure d'une musique imaginaire en balançant ses jambes. Sa chemise légère était ouverte, laissant apparaître une balafre qui s'étendait de son cuir chevelu jusqu'à la moitié de son torse. Gêné, je portais le regard sur les murs où était accroché des peintures représentant des scènes du quotidien habilement mis en valeur par des jeux de lumières. Soudain, une ombre tomba sur Ahidan qui se trouvait à quelques pas de moi et nous sursautâmes tous les deux.
— Espèce de triple buse égoïste et inconsciente ! Où est-ce que tu étais passé ? Ça t'aurais embêté de nous faire part de ta destination ? Ou mieux, de nous laisser t'accompagner ?
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Les enfants d'Omiiya
Fantasía"Vivre, ce n'est pas se résigner" Albert Camus. Les humains les martyrisent, les dieux sont indifférents à leurs souffrances. Penser différemment fait peur mais naître différent des autres est terrible car le jugement ne se porte plus sur une idée m...