PARTIE I - Prologue

1.1K 84 16
                                    

Mois de mars, banlieue parisienne

— T'es vraiment sûre d'vouloir faire ça ?

Le regard perdu à travers la vitre de la voiture, je m'arrache à la contemplation des barres d'immeubles délabrées qui défilent sous mes yeux pour considérer mon cousin, assis confortement derrière le volant. Son air inhabituellement grave me fait frissonner et n'arrange en rien l'angoisse qui me tord l'estomac depuis ce matin.

En règle générale, Daniele n'est pas vraiment du genre à se prendre au sérieux, et quand je dis : « pas vraiment », je veux surtout dire « jamais ». Pour lui, la vie est un grand terrain de jeu dans lequel il fixe ses propres règles. Cela lui a d'ailleurs valu pas mal de problèmes lorsque nous étions plus jeunes et si j'en crois la vie qu'il mène aujourd'hui, rien n'a l'air d'avoir beaucoup changé. La seule différence à présent, c'est que je ne suis plus là pour en être le témoin direct.

Transie, je frotte mes mains tremblantes sur mes cuisses pour les réchauffer avant de rétorquer :

— Tu dis ça comme si j'avais le choix.

Ses sourcils se froncent alors qu'il passe la vitesse supérieure.

— On a toujours l'choix, Elsa, surtout une fille comme toi.

Je secoue la tête, résignée.

Si seulement...

— Pas cette fois.

Sa BMW flambant neuve ralentit avant de s'engager dans une petite allée résidentielle.

— Et les banques ?

Je lâche un petit rire jaune. Elle est bien bonne celle-là.

— Les banques ? Dani, j'ai vingt ans, je suis étudiante et n'ai absolument aucun revenu stable. Sur quelle planète tu vis ?

Pas sur la mienne, c'est certain.

Cazzo... (1)

Ouais, c'est le mot. J'ai pourtant tout essayé. Des jours que je ne dors pas, que je passe mon temps à réfléchir, à fouiller internet en long, en large et en travers pour trouver une solution à mon problème. Sans succès. Je suis au pied d'un mur dont le sommet me parait inatteignable et je m'apprête à faire un truc idiot pour sauver les souvenirs d'un temps qui n'existe plus. Et pour la sauver elle, aussi.

Je ne vous raconte pas l'ironie du truc.

— Elle mérite pas qu'tu t'donnes tout c'mal, murmure mon cousin.

Il a raison, elle ne le mérite pas. N'importe qui lui aurait tourné le dos après ce qu'elle m'a fait subir. N'importe qui, sauf moi. Je devrais la laisser crever mais je n'arrive pas à m'y résoudre. Je ne suis pas comme ça. J'aimerais l'être, je devrais l'être, mais ce n'est pas le cas. Ma foutue loyauté me perdra.

— C'est ma mère et c'est la maison qu'il a construit, qu'il a aimée. J'ai été heureuse dans cette maison.

— Malheureuse aussi, ajoute-t-il alors que la voiture s'arrête en face d'un petit pavillon qui ne paye pas de mine.

Alors c'est ici ? Je ne l'aurais jamais cru.

— T'es sérieux ? m'agacé-je en penchant la tête sur le côté. Je croyais que tu voulais m'aider.

Dani est un peu comme le grand frère que je n'ai jamais eu. Nos mères étant sœurs, nous avons grandi ensemble dans un quartier sans histoires de la banlieue d'Aix-en-Provence. De trois ans sa cadette et tous les deux enfants uniques, il m'a rapidement pris sous son aile. Pour tout le monde, j'étais comme sa petite sœur. Sous sa protection, intouchable.

Nos Nuits de JuilletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant