5: Paranoïa

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Après avoir quitté l'avion, il retourna à sa vie habituelle: insipide et maussade. Il la sentait proche de lui sans pourtant n'avoir aucune information sur les lieux qu'elle fréquentait. Il savait qu'elle habitait dans le même quartier et qu'elle traversait la même rue pour rentrer chez elle. Il l'avait suivie une fois mais après s'être rendu compte de la gravité de son acte, il était finalement revenu sur ses pas. Il s'en était tellement voulu par la suite, de ne pas avoir été au bout de son idée qui aurait pu lui en apprendre d'avantage. Il a parcouru le quartier en entier et a attendu derrière ce même buisson chaque jour, durant plusieurs années mais pas une seule fois il ne l'a revue. Il était assis là, au même endroit que d'habitude et son visage commençait à se tordre de douleur. Il tentait de se contenir mais son corps ne pouvait s'empêcher de trembler.

Sans prévenir, le ciel devint lourd et sombre et les gouttes de pluie tombèrent bruyamment sur la route de béton. Il aurait voulu que les montées de boue provenant de la pelouse sur laquelle il était assis ne cessent de monter et le recouvre entièrement. Il resta assis se demandant s'il était encore nécessaire de se lever. Ce sentiment encombra son coeur durant de longs mois et cette soi-disant "crise d'adolescence" était plus douloureuse que prévu.

Mais qu'est ce qui pouvait bien le rendre si malheureux ?

-"N'as-tu pas honte de te plaindre alors que tu as ce dont tout le monde rêve? Tu n'es pas dépressif, tu es ingrat. Tu es juste faible."

Ces réflexions qui lui étaient régulièrement lancées telles des lames étaient amplificatrices de son mal-être. Ce n'était plus un sentiment ou une émotion mais un état. Peut-être qu'un câlin réconfortant ou un sourire bienveillant aurait suffit mais il était déja trop tard. Elle était partie en reprenant le seul espoir qu'il avait crû apercevoir. Il aurait aimé que sa mère lui chuchote que cela passerait et qu'il était courageux mais selon ses souvenirs c'est toujours lui qui avait dû le faire.

Personne n'allait l'aider, ça il l'avait bien compris mais il avait bel et bien besoin d'aide.

Il n'appréciait ni l'alcool ni les motos et les tatouages. En réalité, il se préoccupait peu de son apparence (et il lui fallait peu pour être présentable). Il n'aimait que ses souliers vernis qui lui donnaient l'impression que ses pas sur le sol avaient de l'importance. Néanmoins, il n'était pas non plus du genre à porter des chemises. Il aimait avoir un style très basique qui ne le rendait pas attirant aux yeux des autres. Les gens n'aiment pas la différence et il le savait. C'est pour cette raison qu'il se faisait discret.

Pas une seconde, elle n'aurait pû s'imaginer que quelqu'un pensait à elle. Elle se sentait si douée pour faire malencontreusement du mal aux autres et pour tout gâcher. Sa maladresse la complexait et la contraignait bien plus souvent qu'elle ne l'aurait voulu au silence. Même si une autre chance lui était accordée, elle recommencait toujours les mêmes erreurs.

Les êtres humains sont profondément égoïstes, elle en était convaincue. Leurs agissements se positionnent en fonction de leurs intérêts personnels et les hommes ne s'entraident que par intérêts ou bonne conscience. Rien n'est fait par hasard.

Pourquoi quelqu'un se préocuperait-il donc de son bonheur ?

Si cette même personne lui accordait de l'amour pendant un temps mais que pas une seule fois elle ne lui rendait cet amour, cette personne finirait par partir. Pas vrai ? Car cette personne aurait espérer recevoir de l'amour en retour. Un exemple simple et concret pour démontrer qu'il n'y a pas de bénévolat.

C'est ce qu'elle se répétait à chaque fois que quelqu'un venait à elle. Cette personne finirait par l'abandonner volontairement ou non que ce soit via la mort, via un changement de vie ou un stupide déménagement. Cette personne finirait par partir alors qu'elle resterait là à l'attendre. Il était donc inutile selon elle, de tisser n'importe quel type de relation car les humains sont inévitablement décevants. Et elle n'y fait pas exception.

C'est pour se préserver qu'elle avait repousser tout ces gens mais elle ne s'imaginait pas que la solitude serait aussi difficile à supporter une fois gagnée. En réalité, ce n'était pas la solitude qui posait problème. C'était le fait que même seule, son âme n'était pas en paix. Les petites voix dans sa tête lui tenaient désormais compagnie.

Elle finissait par abandonner chaque pensée et chaque question qui venaient à elle. Elle relâcha sa nuque vers le bas pleurant à nouveau après un mois d'incapacité à ressentir autre chose que de la fatigue. Même quand elle pensait aller mieux, elle se voilait la face.

Il réfléchissait sans arrêt à ces petites erreurs qu'il avait commis et qui lui provoquaient de lourds regrets.

Pourquoi ne lui avait-il pas simplement demandé un peu plus d'informations à son sujet ? Pourquoi n'avait-il pas dormi plus tôt la veille (ce qui lui aurait permis de ne pas s'endormir au mauvais moment) ?

Pourquoi..Pourquoi..?? Il se répéta tout cela se cognant volontairement le crâne contre le support de son lit. Il se couvra ensuite le visage à l'aide de son oreiller et le compressa jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer.

-"Excusez moi, j'avais juste oublié.." Répondit-il simplement le lendemain, à ce même professeur qui lui reprochait son devoir non-fait et sa paresse avec humiliation.

MALICEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant