Lovely Seven | Bang Chan

20. Yellow

~Flashback~

« Combien de temps supplémentaire ? Combien de temps fallait-il que ça dure ? J'ai huit ans, mes parents sont encore à l'hôpital, dans un coma artificiel qui les maintient ironiquement en vie.

Être en vie mais n'être capable de rien, combien de fois a-t-elle songé à les débrancher pour leur laisser l'opportunité de mourir en paix quand elle leur rendait visite ? Une poignée de fois.

Et puis avec sa tante, ce n'est pas le grand amour. Jina avait déjà du mal à joindre les deux bouts, maintenant, elles doivent carrément serrer la ceinture, même en début de mois.

C'est laid d'avoir une vie aussi cruelle dès le départ. Heureusement, huit ans, ce n'est pas long. »

Je referme mon carnet, contente des pages que j'ai écrite aujourd'hui. J'ai huit ans et je suis entrain d'écrire un roman sur ma vie. Je l'ai commencé il y a dix jours, quand je m'ennuyais alors que Jina faisait des comptes dans la cuisine.

Depuis trois mois, elle m'interdit de continuer à l'appeler tata, déçue de moi car j'ai mis trop de temps à parler. Alors maintenant, je dois l'appeler par son prénom, et ne jamais rien lui demander.

Je mentirais si je disais que ça ne me fait rien. J'ai beaucoup de souvenirs avec Jina, enfin, disons ça. Trois noëls, il me semble.

Dans le premier, elle avait une robe jaune à fleurs blanches. Je l'avais trouvée belle avec son chignon. Je devais avoir approximativement quatre ans. Elle m'avait offert une petite peluche grise.
Dans le second, j'avais six ans il me semble. Elle avait une robe bleue à flanelles et se dandinait d'une jambe sur l'autre, je l'avais trouvée moins belle, couverte des coups de son mari. Elle m'avait offert des chouchous.
Et dans le dernier, j'avais mes sept ans. Quelques mois avant l'incendie, elle était encore plus couverte de coups. Elle n'avait rien à offrir. Mais papa et elle s'étaient enfermées un moment dans la chambre, pour parler de tonton. Mon tonton qui frappait sa femme en toute impunité.

À peine un mois plus tard, fatiguée de se faire battre, Jina avait étouffée son mari sous un oreiller. Et depuis, elle regrette d'avoir tué son unique amour. Elle me fait peur parfois, elle me menace de me tuer aussi si je ne lui obéis pas. Alors je lui obéis.

Ça fait à peine un an qu'elle a tué son mari après tout. Fatiguée, je vais la rejoindre dans la cuisine, décidant de prendre le risque de la déranger pendant ses calculs, car je dois vraiment dormir, mais qu'elle me demande de la prévenir avant de me coucher.

— Jina ? Je peux aller dormir ?

Demandais-je d'une toute petite voix. Elle s'arrête net d'écrire, elle a l'air terriblement en colère. J'aurais mieux fait de me taire.

— Je vais te tuer, sale gosse.

J'ai l'habitude de ce genre de menace, aussi, je décide de ne pas y réagir, pas cette fois. Beaucoup trop fatiguée par ma journée, j'attends juste qu'elle me donne son accord.

— C'est ça, va dormir. Je viendrais t'étrangler dans ton sommeil.

J'ai été me coucher dans mon lit, pantelante, tremblante, essayant de me calmer pour qu'elle ne ressente pas ma peur, cette sorcière.

Cette nuit-là, je n'ai pas dormi.

~Fin du flashback~

Je me réveille avec un sentiment d'étouffement. J'entends une voix lointaine qui me demande encore de me réveiller alors que je me redresse en essayant de reprendre ma respiration.