Chapitre 14 - Brooke ⛸️

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Ma grand-mère commence à débarrasser la table, je me lève pour lui donner un coup de main.

Mon cœur, tu as à peine touché à ton assiette, remarque-t-elle, l'air grave. Le repas ne t'a pas plu ?

Non, il était succulent. J'adore ses petits plats, elle est extrêmement douée en cuisine. Ce n'est pas le souci. Disons que parler à une certaine personne dans la soirée m'a littéralement coupé l'appétit.

— Depuis que Roxanne t'a contactée, tu agis étrangement.

J'essaye de ne pas réagir, je ne souhaite pas m'épancher à ce sujet. Discuter avec ma mère m'a suffisamment vidée de mon énergie. Pourquoi ai-je répondu à son appel au lieu de l'ignorer comme je fais depuis mon arrivée à Oak Ridge ? C'est simple : elle m'a menacé de se pointer en ville. Du coup, j'ai fini par céder. Je préfère échanger avec elle par téléphone plutôt que son aura toxique vienne envahir mon espace personnel.

Bien évidemment, elle m'a tenu un discours rempli de reproches qui ne cessent de me tarauder depuis. Tel un putain de marteau piqueur, j'entends encore son rire caustique me dire : « Je suis certaine que ta grand-mère te goinfre. Combien as-tu pris en cinq mois ? Dix kilos ? ». Son ton moqueur m'a retourné l'estomac, et en me regardant dans la glace de ma chambre par la suite, j'ai vraiment eu l'impression d'avoir doublé de volume.

Je me sens coupable, car elle n'a pas tort. Ces derniers temps, je me suis un peu laissé aller. J'ai pris du poids lors de mon accident, normal étant donné que je ne pouvais pas marcher. Après la réhabilitation, j'ai retrouvé ma silhouette, en moins extrême.

Le plus drôle là-dedans, c'est que je me sens bien dans mon corps actuel. Ça me fait plaisir de manger à ma faim, de ne pas calculer au millimètre près tout ce que j'ingère. Je ne bouffe pas pour autant n'importe quoi, et j'ai une vie active. Malgré tout, oui, je ne pèse plus quarante-cinq kilos comme il y a un an, mais soixante. Waouh ! Alors que je mesure un mètre soixante-cinq ! Quel sacrilège !

J'aurais aimé lui rabattre le caquet, lui dire à quel point je m'en foutais de son avis. Au lieu de quoi, j'ai fermé ma bouche et j'ai subi, comme toujours. Ma mère a un ascendant sur moi, je ne peux le nier. Si j'ai voulu quitter Boston, c'était bien aussi à cause de ça. J'ai fui toute cette pression qu'elle a toujours reposé sur mes frêles épaules. Ses attentes, ses exigences... que ce soit dans le sport, mes études, mes relations, mon alimentation... rien n'était jamais assez bien selon elle.

Et ce soir, elle m'a prise au dépourvu. Au fond de moi, j'espérais qu'elle m'appellerait pour prendre de mes nouvelles, parce qu'elle s'inquiétait pour moi. Mais non, au lieu de ça, j'ai eu droit à toute une succession de reproches, toujours centrés sur sa propre personne.

Pour la faire courte, je la déçois atrocement et à cause de ma « fugue », elle ne sait pas quoi dire à ses amies lorsqu'elles lui demandent ce qu'il advient de moi. Et pour conclure le tout, elle m'a annoncé qu'elle avait croisé Aaron avec ses parents lors d'une soirée et qu'il avait eu la gentillesse de demander comment j'allais.

Je m'en veux tellement de ne pas lui avoir raccroché au nez après lui avoir balancé ce que j'avais sur le cœur, qu'à présent... je me sens vide.

À quel moment tu te dis que c'est une bonne idée de placer ce salopard dans la conversation ? Son manque d'empathie devrait m'étonner, malheureusement, ce n'est pas le cas. Elle a toujours été comme ça, mais depuis son mariage avec Bruce, et surtout depuis qu'il est devenu maire, c'est cent fois pire.

— Ça va, mamie, réponds-je finalement. Je suis habituée.

— Qu'est-ce que cette harpie a bien pu te raconter pour te couper à ce point l'appétit ?

Oak Ridge Campus #1 King © (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant