Chapitre XVI

132 9 5
                                    


Un peu plutôt ce matin

Choisis-moi, plutôt que lui.

C'est ce que je voudrai lui dire. Ces mots qui ne sortent jamais, je les gardent pour moi. Pour moi. Ça fait mal, je ne suis pas infaillible, mais elle ne le vois pas. Ce n'est pas de sa faute, tout le monde se fiche éperdument de ce que je peux ressentir.

Pour eux je gère toujours tout, chaque émotions qui me submerge n'explose jamais. Je vis tout à l'intérieur, comme une tempête et quand parfois j'ai envie d'en parler les mots se perdent.

J'avais l'impression que je serai ridicule, si je les disaient  à haute voix, si je les prononçaient à quelqu'un d'autre que moi.

Tout le monde sauf elle, cette fille qui lui ressemble étrangement.

On avait eu interdiction de sortir de tout le week-end, mais j'étouffais alors je suis partit. Pas de la bonne façon, mais il fallait que je change d'air et ça grâce à elle.

Elle me faisait du bien, parce que avec elle c'était facile de parler.

- Ce n'est pas en réparant ce que tu as cassés que je vais t'excuser pour autant.

Elle me tend un pot de peinture avec cette moue boudeuse. Tashigi n'est pas aussi belle que Robin, elle est plus agaçante parce qu'elle n'a pas peur d'exprimer ses sentiments. Je crois qu'elle hypersensible, un truc dans le genre.

Elle ressent tout de manière exacerbée. C'est bizarre !

- Au moins je le fais, tu pourrais pas juste apprécier le geste ? Je râle malgré-moi.

Je n'étais pas en position de le faire, mais elle avec elle je me sentais libre de passer pour le contraire de ce que je dois être au quotidien. Je pouvais me plaindre de la vie sans avoir à culpabiliser que d'autre vivre pire que moi.

- Ça doit être dur, souffla t-elle en plantant un clou dans le bois, de toujours être fort.

Elle m'a percé à jour.

- Pourquoi tu me parles de ça maintenant ?

Elle ne répond pas tout de suite, laissant planer un silence. Tashigi aurait pu me plaire comme Robin, parce qu'elle était simple - obsédé peut-être - mais elle ne se prenait pas la tête.

- Parce que tu as pris le risque de te faire embrocher pour fuir tout ça.

J'avais oublié qu'elle était perspicace. Elle avait beau vivre en marge de tout ça, elle n'en restait pas moins bien informée.

- Tu sais que Robin ne te choisiras jamais ? Ni dans cette vie, ni dans une autre. Et je ne dis pas ça parce que j'ai des sentiments pour toi, mais parce que c'est dans sa nature même d'être ce qu'elle est.

Robin c'est le sujet à la mode en ce moment. Mes amis pensent qu'elle et moi ça collera toujours. Moi j'en doute, à chaque fois. Plus le temps passe, plus elle me glisse entre les doigts. La seule façon que j'ai d'être proche d'elle c'est entre ses cuisses.

Faut pas chercher loin, les sentiments qu'elle prétend avoir pour moi viennent de là. De ce que je lui fait ressentir dans ces moments-là.

- Tu ne la connait pas comme moi je la connait.

Un horrible mensonge.

Qui essayes-tu de convaincre, toi ou bien elle ? 

- J'en sais assez pour savoir que cette gamine que tu as rencontré ce jour-là, n'existe plus.

Tashigi savait tout de moi, je lui avais raconté une partie de mon enfance. Parce que j'avais besoin de le faire pour passer à autre chose, pour oublier qu'un jour moi aussi j'ai été un esclave sexuel et qu'aujourd'hui, même après être sortit du « système », j'étais encore mal. Je voulais faire un truc de mon avenir, parce que se retrouver de l'autre côté de la ligne ce n'est pas aussi bien qu'on le croit.

TroublemakersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant